« Non, l’AP-HP n’organise pas l’affaiblissement de la psychiatrie parisienne. C’est même le contraire »

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Nicolas Revel, directeur général de l’AP-HP (Assistance publique-Hopitaux de Paris) répond à la tribune publiée mercredi par « le Nouvel Obs » signée par nombre de psychiatres et d’associations.
Cet article est une tribune, rédigée par un auteur extérieur au journal et dont le point de vue n’engage pas la rédaction.
La tribune parue le 14 mai dernier dans le « Nouvel Obs », où il est dit que « l’administration veut installer le service de psychiatrie de Tarnier dans un vieil hôpital gériatrique désaffecté et plein d’amiante » est une présentation tronquée, biaisée et donc profondément malhonnête de la réalité de l’investissement de l’AP-HP pour soutenir la psychiatrie, discipline par ailleurs en vraie difficulté.
La tribune parue le 14 mai dernier au sujet du déménagement provisoire d’une unité de psychiatrie actuellement implanté à l’hôpital Tarnier formule des accusations graves à l’encontre de l’AP-HP, qui ferait preuve de « dédain », de « négligence » à l’encontre de ses équipes de psychiatrie, qui ne proposerait « rien » à cette unité à part « errer » dans un ancien hôpital de gériatrie, qui serait « sourde » et « insensible aux arguments médicaux et aux sorts des patients », etc. Face à cette déformation de la réalité, l’AP-HP souhaite rétablir les faits.
L’Université Paris Cité et la Ville de Paris, propriétaires du site de Tarnier où se trouve actuellement l’unité de psychiatrie à laquelle fait référence la tribune, portent un projet ambitieux d’Institut pour la Santé des Femmes qui sera implanté à Tarnier. Pour engager la transformation de ce site, il a été demandé à l’AP-HP de libérer avant l’été 2025 les espaces dont elle était occupante. Des solutions d’implantation transitoires ou définitives ont été identifiées pour l’ensemble des activités qui s’y tiennent encore.
A terme : la construction du nouvel Hôtel-Dieu pour la psychiatrieParmi ces activités figure l’unité de psychiatrie assurant une activité exclusivement ambulatoire, à travers des consultations et un hôpital de jour. Cette unité a vocation à rejoindre définitivement le site du Nouvel Hôtel-Dieu, dans le cadre d’un projet stratégique arrêté depuis plusieurs années et visant à regrouper et renforcer les forces de psychiatrie et d’addictologie aujourd’hui éclatées entre plusieurs sites (Tarnier, Hôtel Dieu, Cochin) au sein d’un même service, pour lequel le professeur Granger [psychiatre parmi les plus critiques de la refonte en cours, NDLR] avait d’ailleurs candidaté à la chefferie de service en 2018, mais sans être retenu, à l’issue de l’appel à candidature. La construction du Nouvel Hôtel-Dieu ne constitue pas une perspective lointaine ou incertaine puisque le marché de conception – réalisation de l’opération a été signé et le démarrage du chantier est prévu en début d’année prochaine pour une livraison début 2028.
Ainsi, non seulement l’AP-HP « propose » une perspective à l’unité de psychiatrie de Tarnier, mais la perspective qu’elle propose est celle de rejoindre un hôpital flambant neuf, dont le projet est précisément d’améliorer considérablement les conditions de prise en charge des patients de psychiatrie. Loin d’être « insensible aux arguments médicaux et au sort des patients », l’AP-HP a construit ce projet de longue date avec les psychiatres de l’Hôtel-Dieu et de Tarnier et dans une perspective de renforcer leurs capacités de soins.
Le fait est qu’entre la libération de Tarnier, à l’été 2025, et l’ouverture de la partie hospitalière de l’Hôtel-Dieu prévue début 2028, il est nécessaire de trouver une implantation provisoire de cette unité pour environ trois ans. Plusieurs solutions d’implantations transitoires ont été étudiées. La solution retenue est celle d’une implantation temporaire dans les locaux vacants de l’hôpital La Collégiale, situés dans le 5earrondissement. La solution d’une implantation provisoire dans un bâtiment désaffecté sur le site de Cochin et qui accueillait une crèche a été examinée mais écartée pour deux raisons : un coût de réhabilitation disproportionné avec la durée de l’opération (avec un coût 2,5 fois supérieur à celui de la réhabilitation de la Collégiale) et une durée de travaux incompatible avec le calendrier de libération de Tarnier attendue à l’été 2025.
Le fait d’écarter cette option comme le principe même de rejoindre le nouvel Hôtel-Dieu ayant été fortement contesté par le professeur Granger en septembre dernier, la direction générale de l’AP-HP a souhaité dans un premier temps, qu’une mission soit confiée à une personnalité qualifiée, monsieur Edouard Couty, afin de s’assurer que les conditions étaient bien réunies pour permettre à l’unité de Tarnier et aux autres unités du service de psychiatrie et d’addictologie de Cochin de s’implanter dans les meilleures conditions, le moment venu, dans le futur Hôtel-Dieu, mais aussi de formuler des préconisations de nature à renforcer l’accès aux soins de psychiatrie des patients de Cochin dans la période de transition mais aussi à terme.
Des travaux de désamiantageCette mission a conclu que les conditions d’implantation du service seraient satisfaisantes dans le futur Hôtel-Dieu, avec des surfaces prévues équivalentes aux surfaces actuelles et des conditions générales modernisées offrant la possibilité d’accueillir davantage de patients. Elle a également confirmé que les locaux de la Collégiale étaient adaptés pour accueillir l’unité précédemment située à Tarnier pour le temps nécessaire à la finalisation des travaux de l’Hôtel-Dieu. Enfin, la mission a souligné la nécessité de renforcer à court terme la psychiatrie de liaison assurée à Cochin (non concernée par la rocade) qui avait été insuffisamment assurée jusqu’alors par l’unité de Tarnier.
S’agissant des locaux de la Collégiale, ils seront rénovés pour permettre l’accueil des activités ambulatoires de l’unité pendant une durée de trois ans, sans par ailleurs que les équipes ne soient soumises, après les travaux qui sont en cours d’ici l’été, au moindre risque d’exposition à l’amiante comme le service de médecine du travail de l’AP-HP a été amené à l’indiquer aux équipes de Tarnier.
Le sens des conclusions de cette mission indépendante n’allant pas dans le sens des positions du professeur Granger, celui-ci a indiqué à la gouvernance de l’AP-HP et de l’Université Paris-Cité que non seulement il restait opposé à son départ de Tarnier mais qu’il ferait tout pour l’empêcher. Il a accompagné de surcroît cette prise de position d’une mise en cause publique du directeur du groupement hospitalo-universitaire Paris Centre dans des termes particulièrement graves et infamants. Dans ces conditions, le directeur général de l’AP-HP, le président de la commission médicale d’établissement central et la doyenne de l’Université Paris Cité ont décidé conjointement de mettre fin à ses fonctions de responsable de l’unité de psychiatrie de Cochin-Tarnier.
Cette décision ne signifie en rien que les médecins hospitaliers ne seraient pas fondés à exprimer des désaccords mais elle marque en effet une limite quand ce désaccord se transforme en appel à bloquer la mise en œuvre d’une décision institutionnelle et se double de propos injurieux et diffamatoires. L’exercice des fonctions de chef de service au sein d’un hôpital public confère certes des droits mais aussi des responsabilités, et emporte donc une exigence de respect des personnes et de loyauté vis-à-vis des positions prises par l’institution à laquelle vous appartenez.
La responsabilité de l’unité a été confiée au Pr Cédric Lemogne, actuel chef du service de psychiatrie adulte de l’Hôtel-Dieu. Il a également été nommé, par intérim, responsable de l’équipe de liaison, avec pour mission le renforcement de l’équipe médicale sur ce périmètre : d’ores et déjà, trois recrutements ont été réalisés sur les postes qui étaient vacants, démontrant que loin de porter atteinte à la prise en charge psychiatrique des malades hospitalisés à Cochin, nous créons les conditions pour, au contraire, la renforcer.
Plus généralement, l’AP-HP réaffirme qu’elle ne souhaite en aucun cas affaiblir son offre en psychiatrie au moment où les besoins n’ont jamais été aussi importants. Le renforcement de l’offre de prise en charge en psychiatrie est au cœur de la stratégie de l’AP-HP à travers plusieurs projets d’envergure : la création au sein de l’hôpital Armand-Trousseau de l’Institut du Développement de l’Enfant et de l’Adolescent (Ideal), qui a vocation à regrouper et consolider différentes formes d’accueil et d’accompagnement pour devenir le plus grand service de pédopsychiatrie d’Europe ; la création de l’Institut du cerveau de l’enfant au sein de l’Hôpital Robert Debré qui permettra d’intensifier considérablement l’étude et le soin du cerveau de l’enfant dans toutes ses vulnérabilités ; l’investissement en faveur de la modernisation de l’hôpital Albert-Chenevier ou encore la mise en place de mesures d’attractivité spécifiques pour faciliter l’embauche de jeunes paramédicaux en psychiatrie et accélérer la réouverture des lits d’hospitalisation.
Le Nouvel Observateur