Éditorial : Joe Biden ou le mauvais exemple du dirigeant

François Hollande avait 62 ans, le 1er décembre 2016, lorsqu’il a annoncé qu’il ne briguerait pas un nouveau mandat à l’Élysée. Le président français affichait pourtant une excellente santé physique et mentale, si on met de côté le fait qu’il avait totalement oublié que la finance était son seul adversaire ou qu’il ne se rendait pas compte qu’il confiait des secrets d’État à deux journalistes qui allaient les répéter dans un livre.
Joe Biden avait vingt ans de plus quand il a fini par admettre, à contrecœur, qu’il devait renoncer à se succéder à la Maison-Blanche. L’octogénaire n’en affirmait pas moins, péché de vanité, qu’il était le seul capable de battre encore Donald Trump. Il était surtout le seul à le croire. Un livre sur la décrépitude neuronale de l’ex-président américain fait grand bruit aux États-Unis. Au terme d’une longue enquête, ses deux auteurs racontent comment Joe Biden n’était plus qu’un fantôme flottant dans le Bureau ovale, incapable par exemple, c’est fort de café, de reconnaître son ami et partisan George Clooney. Lequel s’est donc résigné à demander « Who else ? » (qui d’autre ?)
Rien ne permet certes d’affirmer que Kamala Harris, lancée quelques semaines plus tôt dans la campagne, aurait remporté le scrutin. Comme le rappelle finement Robert de Niro, Trump n’a pas été élu par les Républicains mais par les électeurs qui ne sont pas allés voter. Il n’empêche, en s’accrochant bec et ongles à son fauteuil, Joe Biden n’a pas aidé sa vice-présidente.
« Au terme d’une longue enquête, ses deux auteurs racontent comment Joe Biden n’était plus qu’un fantôme flottant dans le Bureau ovale »
Dictateurs et autocrates n’ont aucun problème pour continuer à diriger leur pays, ou à faire semblant, comme l’Algérien Bouteflika. Il faut un coup d’État ou une révolution de palais pour les détrôner et la suite n’est pas toujours meilleure. L’histoire montre qu’en démocratie aussi, avoir la sagesse d’abdiquer au profit de l’intérêt général, quand le corps et l’esprit ont déjà rendu les gants, n’est pas donné à tout le monde.
À Bordeaux, on se souvient des douloureuses dernières années de Jacques Chaban-Delmas. Son successeur, Alain Juppé, avait décidé de ne pas se représenter en 2020, obsédé par le fameux « mandat de trop ». On a vu la pénible fin de règne du pape François, rappelant l’agonie de Jean-Paul II. Benoît XVI reste l’unique modèle d’un pontife ayant la volonté et le courage de dire « io mi fermo qui » (moi, je m’arrête là). Pour son pays, le catholique Biden aurait dû être plus Benoît que François.
SudOuest