Mort après s’être fait «craquer le cou» chez l’ostéopathe: un ordre professionnel est réclamé pour protéger les Québécois

La veuve d’un homme décédé après s’être fait «craquer le cou» chez l’ostéopathe, ce qui aurait déchiré une artère cervicale, dénonce le manque d’encadrement de cette pratique.
«Si ça peut sauver quelqu’un d’autre ou juste lever un drapeau rouge [et permettre] de faire attention à ça», plaide Isabelle Gervais, qui a perdu son conjoint Derrick Gaudet il y a cinq ans. À seulement 49 ans, il serait mort d’un AVC à la suite de «manipulations cervicales traumatiques» chez l’ostéopathe.
Selon le rapport du coroner, publié ce printemps, c’est l’hypothèse la plus probable. La Dre Marie-Chantal Lafrenière y décrit qu’un saignement dans le cou, où une artère avait été sectionnée, a déclenché un accident vasculaire cérébral. Une dissection peut survenir des semaines après un traumatisme, poursuit-elle.
Rare, mais fatalDerrick Gaudet, de Sainte-Eustache, s’était rendu chez l’ostéopathe trois semaines avant son décès et il se plaignait de douleurs au cou et de maux de tête depuis.
Selon la coroner, environ 2% des AVC sont causés par des dissections artérielles cervicales et plus fréquemment chez les jeunes adultes. Elle ajoute qu’aux États-Unis, on estime qu’une manipulation au cou sur 20 000 se solde par un anévrisme ou la dissection d’une artère pouvant être fatale.
Au Québec, les quelque 3000 ostéopathes de la province feraient environ deux millions de traitements par an. La coroner juge «crucial» la formation d’un ordre professionnel pour surveiller leurs compétences, puisque rien n’encadre leur pratique ou leur formation.
«Ç’a été terrible», souffle Isabelle Gervais, qui a perdu son conjoint en pleine pandémie. La veille de son décès, l’homme en pleine forme raclait le terrain.
Parce qu’il était étourdi et nauséeux le lendemain, elle pensait qu’il souffrait d’une gastro. «J’étais sûre qu’il s’en sortirait [lorsqu’il est parti en ambulance]», dit-elle, mais elle n’a jamais pu le revoir vivant.
L’ostéopathe ne pratique plusLe couple consultait la même ostéopathe qui leur proposait de leur «craquer le cou». «J’ai toujours refusé, je n’aimais pas ça, mais Derrick disait que ça lui faisait du bien», explique-t-elle.
L’ostéopathe, qui n’est pas nommée dans le rapport du coroner, ne pratique plus aujourd’hui, a pu confirmer Le Journal.
Isabelle Gervais estime qu’un ordre professionnel aurait notamment permis une enquête plus poussée sur le décès de son conjoint.
La présidente d’Ostéopathie Québec n’était pas disponible pour une entrevue. Par courriel, Karine Devantéry indique qu’un ordre professionnel est réclamé depuis plus de 30 ans et que la «sécurité des gens est une priorité absolue».
Malgré un avis favorable il y a déjà trois ans par l’Office des professions, Québec traîne de la patte.
LE Journal de Montreal