La Pologne prise au piège des coûts, mais « avec un avantage significatif »

• L’utilisation plus large de l’intelligence artificielle dans le secteur industriel devrait entraîner des réductions de coûts significatives en optimisant les processus et en augmentant la productivité globale. - Beaucoup de nos clients du secteur automobile ont déjà réduit le temps de développement d’une nouvelle voiture à 25-27 mois. Il existe de nombreux indices indiquant que dans un avenir proche, ce délai sera réduit à 20-22 mois, affirme le vice-président de Dassault Systèmes.
• Dassault Systèmes est une société internationale et un géant technologique spécialisé dans les logiciels de gestion du cycle de vie des produits et la conception et la visualisation 3D.
• - La question clé est de savoir comment répondre aux défis énergétiques auxquels la Pologne est confrontée. Même si la Pologne n’a pas accès à une énergie moins chère, il existe des moyens de changer cette situation. Lors des discussions que j’ai eues avec les experts de l’ALENA, une chose est apparue clairement : la priorité actuelle de l’Europe doit être l’énergie – sa sécurité et sa durabilité. Sans bases solides dans le secteur de l'énergie, d'autres secteurs de l'économie auront du mal à se développer, argumente Olivier Ribet.

Comment les entreprises utilisent-elles l’intelligence artificielle pour accroître leur compétitivité ? Qu'est-ce qui a changé ? Selon vous, ces changements sont-ils évolutionnaires ou révolutionnaires ?

- L’intelligence artificielle permet aux entreprises de libérer et de mieux exploiter les connaissances et le savoir-faire existants. Dans le passé, une grande partie de cette propriété intellectuelle était dispersée sur différents systèmes, bases de données et fichiers, ce qui la rendait difficile à exploiter. Avant l’avènement de l’intelligence artificielle, trouver la bonne information nécessitait de savoir exactement ce que l’on recherchait.

Grâce à l’IA, les entreprises peuvent non seulement rechercher des données au sens traditionnel du terme, mais également découvrir des liens jusqu’alors cachés entre différentes informations. Qu’il s’agisse de données de simulation, de commentaires clients ou de fichiers de conception de produits, l’IA peut combiner ces ensembles de données pour aider les entreprises à mieux comprendre ce que peut devenir un produit. Cette capacité à découvrir des informations cachées change la donne.

Les avancées récentes en matière d’IA, en particulier pour les assistants virtuels, sont en grande partie motivées par les grands modèles de langage (LLM) . Ces modèles représentent un sous-ensemble spécifique de l’IA, mais ils ont eu un impact significatif sur la manière dont les entreprises utilisent la technologie pour rester compétitives.

Chez Dassault Systèmes, nous avons récemment introduit une nouvelle génération d’assistants IA appelés Compagnons Virtuels. Ces compagnons intelligents vont au-delà de la simple aide à la réalisation des tâches : ils offrent un soutien proactif, suggérant parfois des idées et des solutions que nous n’aurions peut-être pas anticipées. Je crois que cela augmentera considérablement l’innovation, la créativité et la productivité. En aidant les entreprises à analyser plus efficacement leurs données, leur chaîne d’approvisionnement et leurs réseaux de partenaires, Virtual Companions peut vous aider à garder une longueur d’avance sur la concurrence dans un environnement de plus en plus complexe et concurrentiel.

L’intelligence artificielle modifie fondamentalement la manière dont les entreprises fonctionnent, en permettant l’accès et l’utilisation de l’information d’une manière qui n’était pas disponible auparavant. Le potentiel de l’IA pour stimuler l’innovation et la compétitivité est énorme, et les changements auxquels nous assistons transforment profondément le secteur.

Volkswagen a accéléré grâce à l'intelligence artificielle. C'est moins cher de plusieurs dizaines de millions d'euros

Quel sera l’impact de l’utilisation plus large de l’IA sur les coûts d’exploitation des entreprises du secteur industriel ?

- L’utilisation plus large de l’intelligence artificielle dans le secteur industriel devrait entraîner des réductions de coûts significatives en optimisant les processus et en augmentant la productivité globale. La technologie de l’IA peut améliorer tout, de l’allocation des ressources et de la planification de la maintenance à la gestion de la chaîne d’approvisionnement, conduisant à une prise de décision plus rapide et à une réduction des déchets.

Un parfait exemple est le partenariat entre Dassault Systèmes et Volkswagen . En mettant en œuvre la plateforme 3DEXPERIENCE, Volkswagen utilise l’intelligence artificielle pour accélérer le développement des véhicules, raccourcir les délais de production et améliorer la collaboration des équipes. Cette intégration permet à l’entreprise d’affiner ses processus, de raccourcir les cycles de développement de produits et d’améliorer à la fois la qualité et la durabilité, réduisant ainsi les coûts et obtenant un avantage concurrentiel dans l’industrie.

Nombre de nos clients du secteur automobile ont déjà réduit le temps de développement d’une nouvelle voiture à 25-27 mois. De nombreux indices laissent penser que dans un avenir proche, ce délai sera réduit à 20 ou 22 mois . La technologie des jumeaux numériques apporte une avancée majeure à l’industrie automobile. Alimenté par une IA avancée, il intègre de manière transparente divers processus, modèles d’exploitation et outils. Cela permet aux fabricants de modéliser des répliques numériques de leurs produits et systèmes, permettant une simulation, une optimisation et une collaboration en temps réel tout au long du cycle de vie du produit. Raccourcir le processus de recherche et développement, de validation et de certification donne aux entreprises un énorme avantage. Réduit considérablement le temps, les stocks, le gaspillage de ressources, les dépenses d’investissement et, en fin de compte, les coûts d’exploitation. Lorsque tout cela est réuni, la productivité peut augmenter jusqu’à 40 pour cent . Et nous ne parlons pas de centaines de milliers d’euros d’économies, mais de dizaines de millions économisés grâce à cette technologie.

Les concepteurs et les constructeurs sont toujours nécessaires, mais pour des tâches complètement différentes

Parlons maintenant un peu des gens. De quelles compétences humaines n’aurons-nous plus besoin ? Quels métiers vont disparaître des industries ou des entreprises dans les années à venir ?

- Les designers seront toujours essentiels, mais la nature de leur travail évoluera. L’intelligence artificielle peut proposer des conceptions complètement nouvelles pour les voitures, les trains, les camions ou les satellites, mais elle ne sera pas en mesure de mettre en œuvre pleinement ces concepts. Dans ce changement, le rôle des constructeurs et des concepteurs deviendra de plus en plus important. Pourquoi?

Par le passé, les équipes de conception et de production avaient un objectif commun : livrer un produit à temps, avec qualité et efficacité. Une fois le produit prêt, le processus était terminé .

Aujourd’hui, cependant, dans de nombreuses industries que nous servons, un produit n’est jamais vraiment complet, car les produits modernes traversent plusieurs cycles de vie et plusieurs utilisations. Beaucoup d’entre eux seront réutilisés, réparés, remis à neuf ou recyclés plusieurs fois. Dans tous les secteurs – de la construction à la science en passant par l’énergie – nous travaillons avec des actifs tels que des usines, des machines et bien plus encore. Ces ressources doivent évoluer au fil du temps et être mises à jour, souvent via des logiciels.

À première vue, cela peut paraître étrange. Une voiture n'est qu'une voiture, n'est-ce pas ? Pas tout à fait. Le même véhicule peut fonctionner d’une manière entièrement nouvelle si son logiciel est mis à jour. Au fil du temps, cela peut devenir plus rapide, plus sûr et plus économe en énergie. Un autre exemple est que les entreprises conçoivent de plus en plus de bâtiments en partant du principe que leur fonction peut changer à l’avenir – par exemple d’un immeuble de bureaux à un centre de données.

L’accent est également mis de plus en plus sur la réparation et le recyclage. De nombreux produits modernes ne sont pas recyclables car leurs composants ont été collés ensemble, ce qui rend le démontage extrêmement difficile. Il est toutefois possible de donner une seconde vie aux équipements endommagés, si cette possibilité est prise en compte dès la phase de conception. En concevant des produits en tenant compte de la réparation et du recyclage, les fabricants peuvent garantir que les composants peuvent être facilement séparés et réutilisés, réduisant ainsi les déchets et contribuant à un cycle de vie plus durable. Ce changement souligne l’importance de la prévoyance dans la conception, où prendre en compte la fin de vie d’un produit est aussi important que sa construction.

Tout cela s’inscrit dans le concept d’une économie générative , où les produits sont non seulement recyclables, mais peuvent évoluer et avoir un cycle de vie prolongé. Ces cycles peuvent durer de 2-3 à 20 voire 30 ans. La clé ici est le jumeau numérique, qui nous permet de visualiser les produits existants, de simuler leurs évolutions au fil du temps et de créer de nouveaux scénarios pour leur développement. Par exemple, l’un de nos clients en Chine a récemment annoncé le lancement de batteries de voitures électriques pouvant être entièrement chargées en seulement cinq minutes, offrant une autonomie de 450 à 500 kilomètres. Cette innovation met en évidence la manière dont les produits peuvent évoluer, devenir plus durables et changer notre façon de penser leur durée de vie.

En nous concentrant sur la production d’articles ayant une durée de vie plus longue, en introduisant la possibilité de réparation ou de recyclage, nous nous éloignons du modèle traditionnel de production continue, transformant l’économie en une économie qui privilégie le développement durable. En fait, en Allemagne, certains de nos clients ne vendent plus le produit lui-même , mais plutôt ses heures de travail - certains l'appellent « produit en tant que service ».

Ce changement montre qu’il est plus important de s’assurer que votre produit fonctionne de manière fiable et de savoir exactement quand il nécessitera une maintenance. L’intelligence artificielle joue aujourd’hui un rôle clé pour faire de cette vision une réalité.

L’Europe a un problème car nous manquons de spécialistes dans des domaines clés. « Les chaînes d'approvisionnement européennes doivent devenir plus résilientes »

Vous avez mentionné la Chine. Concentrons-nous maintenant sur les nouveaux facteurs qui affectent actuellement l’économie mondiale. Quel impact cela a-t-il sur les entreprises industrielles européennes aujourd’hui ? Que recherchent les entreprises actuellement : investir ou peut-être attendre que la situation se stabilise ?

- Malheureusement, rien n’indique que la situation se stabilisera dans un avenir proche. Nous assistons à des changements profonds et transformateurs, non seulement dans la dynamique du pouvoir mondial, mais aussi dans la manière dont nous abordons la géopolitique et l’équilibre économique du commerce international. Comment cela affecte-t-il les entreprises européennes ? Les effets sont variés.

Certaines entreprises se concentrent sur la reconstruction de l’indépendance européenne, une tendance initiée par les sociétés pharmaceutiques . L’Europe est actuellement confrontée à d’importantes pénuries de médicaments essentiels en raison du manque d’accès immédiat aux matières premières essentielles utilisées dans la production. En conséquence, des efforts concertés sont déployés pour recréer la chaîne de valeur des soins de santé en Europe.

Un défi similaire existe dans le secteur de l’énergie, où une grande partie des infrastructures de pays comme l’Italie, l’Espagne, la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne ont besoin d’être modernisées, ayant été construites dans les années 1950 et 1960. L’infrastructure énergétique de la Pologne est plus récente.

Il existe également un besoin important sur tout le continent de moderniser les infrastructures essentielles telles que les ponts, les tunnels, le réseau électrique et les systèmes d’égouts. Cela nécessite des investissements et des travaux importants, et les entreprises de ces pays – y compris celles avec lesquelles nous travaillons – sont fortement impliquées dans la planification et la mise en œuvre des projets de réaménagement.

De plus, l’Europe est confrontée à une pénurie de travailleurs qualifiés, notamment dans des secteurs comme l’énergie . Mais ces défis créent également des opportunités de transformation, de reconstruction et d’innovation à travers le continent.

Pour résister aux effets des guerres commerciales et de l’incertitude mondiale, les chaînes d’approvisionnement européennes doivent devenir plus résilientes . Dans le même temps, une coopération renforcée entre les pays et les entreprises européennes est nécessaire. Nous avons récemment assisté à une collaboration sans précédent entre les secteurs, notamment à des accords entre pays visant à développer des avancées technologiques conjointes. Ces partenariats se développent à un rythme beaucoup plus rapide qu’auparavant, avec des projets qui auraient pris plusieurs années et qui sont désormais achevés en moins d’un an. Cependant, l’un des aspects les plus difficiles de ces initiatives reste la répartition des tâches entre les pays concernés.

La Pologne surpasse ses concurrents européens grâce à ses infrastructures. Une réflexion à long terme est nécessaire

Ceci est lié à ma prochaine question. J’ai entendu des opinions selon lesquelles les pays d’Europe centrale, y compris la Pologne, pourraient bénéficier de la guerre économique entre les États-Unis et la Chine. De nombreux chefs d’entreprise affirment que les usines des sociétés étrangères seront délocalisées en Pologne pour éviter, par exemple, les droits de douane et les taxes supplémentaires. Nearshoring – comment évaluez-vous ce processus en termes d’opportunités pour la Pologne ?

- Le processus de nearshoring est déjà en cours dans plusieurs pays , et la Pologne est bien placée pour en bénéficier. Mais pour tirer le meilleur parti de cette opportunité, il faut plus que de simples allégements fiscaux ou des incitations à court terme : ceux-ci ne font pas partie d’une stratégie durable. La clé du succès réside dans une infrastructure solide. Sans aéroports, chemins de fer, routes et autoroutes bien développés, il devient très difficile d’attirer des entreprises industrielles. La Pologne dispose ici d’un avantage considérable, avec une infrastructure solide qui facilite la circulation des biens et des personnes.

La disponibilité d’une main-d’œuvre qualifiée est tout aussi importante, et la Pologne est également un leader dans ce domaine. Votre pays offre un large éventail de compétences, allant des industries chimiques et d’ingénierie à l’électronique, l’informatique et l’intelligence artificielle, et compte parmi les meilleurs spécialistes d’Europe. En outre, le réseau dense de centres universitaires et de recherche en Pologne constitue un système de soutien essentiel à l’innovation et au développement industriel.

Géographiquement, la Pologne est idéalement située au cœur de l’Europe, avec accès à la fois aux mers et aux économies de l’Europe du Sud, tout en bénéficiant d’un large bassin de travailleurs hautement spécialisés. Cette combinaison de facteurs rend la Pologne particulièrement attractive pour les entreprises envisageant le nearshoring. En examinant les données macroéconomiques, nous pouvons voir que la Pologne connaît une croissance industrielle similaire à celle connue par le sud de l’Allemagne et le nord de l’Italie il y a 15 à 20 ans. À l’époque, leur croissance industrielle était tirée par une forte combinaison de recherche universitaire, d’investissement en capital et de production industrielle. Cette même dynamique est désormais évidente en Pologne, ce qui en fait un lieu unique pour les entreprises qui cherchent à s’implanter et à profiter de ces avantages rares et précieux.

La croissance des salaires en Pologne ne devrait pas nous ralentir. Essentiel « qualité supérieure »

D’autre part, ces dernières années, les salaires des Polonais ont augmenté, ce qui s’est traduit par une diminution de la compétitivité de notre économie. Est-ce un facteur qui pourrait ralentir l’économie polonaise ?

- La hausse des salaires en Pologne représente un certain défi, notamment en termes de maintien de prix compétitifs pour les entreprises. Cependant, ce problème ne devient important que jusqu’à un certain point. À mesure que les salaires augmentent, les entreprises sont souvent plus disposées à payer pour des produits et des services de meilleure qualité qui justifient les coûts plus élevés. Ce changement pourrait encourager une plus grande innovation et une plus grande spécialisation, ce qui pourrait contribuer à compenser la perte de compétitivité des coûts.

Le véritable défi est de savoir comment les politiciens européens réagiront à ces changements. En fait, des transformations similaires ont déjà été menées à bien par des pays comme l’Espagne, la France et l’Allemagne. En fin de compte, les fondements d’une économie forte reposent sur la connaissance et l’énergie – des ressources clés qui continuent de stimuler la réussite économique malgré la hausse des coûts de la main-d’œuvre. La concentration croissante de la Pologne dans ces domaines contribuera à assurer la poursuite de son développement économique.

« Sans bases solides dans le domaine de l’énergie, d’autres secteurs de l’économie ont du mal à se développer. » Et la Pologne ?

Cependant, la Pologne commence à perdre de plus en plus en raison de l’état de notre secteur énergétique et du prix final que nos entrepreneurs doivent payer pour l’énergie.

- La question clé est de savoir comment répondre aux défis énergétiques auxquels la Pologne est confrontée. Même si la Pologne n’a pas accès à une énergie moins chère, il existe des moyens de changer cette situation. Lors des discussions que j’ai eues avec les experts de l’ALENA, une chose est apparue clairement : la priorité actuelle de l’Europe doit être l’énergie – sa sécurité et sa durabilité. Sans bases solides dans le domaine énergétique, les autres secteurs de l’économie ont du mal à se développer.

Il est encourageant de constater que les entreprises énergétiques européennes commencent à travailler ensemble plus que jamais, reconnaissant la nécessité de reconstruire et de moderniser le réseau énergétique. Cela met en évidence le rôle crucial des infrastructures. L’accent doit être mis principalement sur les énergies renouvelables et des investissements importants sont nécessaires pour intensifier les efforts. Cela nécessitera une coopération étroite entre les pays européens.

Par exemple, l’Europe du Sud, avec son fort taux d’ensoleillement, peut se concentrer sur la production d’énergie solaire, tandis que l’Europe du Nord, avec ses ressources éoliennes, peut investir dans l’énergie éolienne. Dans le même temps, nous constatons un regain d’intérêt et des investissements importants dans l’énergie nucléaire sur tout le continent. En modernisant et en connectant les réseaux électriques à travers le continent, l’énergie produite dans une région pourrait être partagée plus efficacement avec d’autres , créant ainsi un système plus intégré et plus résilient.

Le défi est désormais de savoir si les pays européens sont prêts à partager leurs ressources et à coopérer au-delà des frontières. L’avenir énergétique de l’Europe dépend de ces efforts communs.