Zucman contre Arnault : affrontement politique en France sur la question fiscale

La proposition du jeune économiste
Le jeune économiste a proposé une taxe sur la fortune de 2 %, provoquant la fureur de la droite et des milliardaires du secteur de la mode de luxe.

Un jeune économiste français s'exclame : « Enfin, à Paris, j'entends parler d'impôts et non plus d'islam ! Depuis des mois, on n'entend plus parler que de la manière de gérer le problème de l'islam radical, mais on débat maintenant de comment et qui faire payer des impôts. Un miracle, vous autres Italiens, pourriez-vous dire. »
Il est vrai que le creusement des inégalités entre riches et pauvres est au cœur du débat politique en France. La question des inégalités économiques et sociales croissantes est le terrain d'affrontement où les partis politiques rivalisent pour gagner le soutien des électeurs. Depuis décembre dernier, la crise politique française, déclenchée par le déclin du macronisme, s'articule autour de la nécessité de réunir au moins 40 milliards d'euros pour résorber la dette publique. Quiconque souhaite prendre une décision à la table des négociations politiques ne peut donc ignorer la question : qui doit payer ces 40 milliards d'euros ? « Les ultra-riches », propose Gabriel Zucman, économiste de 38 ans (élève de Thomas Piketty ), qui préconise un impôt exceptionnel de 2 % sur les personnes possédant un patrimoine supérieur à 100 millions d'euros : soit 1 800 contribuables au total.
La proposition a provoqué la fureur de Bernard Arnault, l'un des 1 800 détenteurs de patrimoines supérieurs à 100 millions d'euros. Cet entrepreneur du luxe, qui contrôle avec son groupe LVMH, la plus grande entreprise française, près des deux tiers du marché mondial de la mode de luxe, juge inacceptable la proposition fiscale de Zucman car, selon lui, « en tant que militant d'extrême gauche, il met sa pseudo-expertise au service d'une idéologie visant à détruire l'économie libérale, la seule capable de fonctionner ». Difficile, dès lors, d'ouvrir le dialogue. Les socialistes, pour sauver la face à l'aile droite de Macron – via le gouvernement de Sébastien Lecornu, fervent soutien du président Macron –, ont accepté de reporter la hausse de l'âge de la retraite sans exiger immédiatement la taxe Zucman. L'urgence est donc repoussée. Mais ce n'est qu'une question de semaines. Cet argent doit bien venir de quelque part.
Et Raphaël Glucksman, fondateur du mouvement Place Publique (une alternative modérée à La France Insoumise de Mélenchon ), prend la parole. Il affirme depuis longtemps avoir réussi à placer la justice fiscale au cœur du débat public, obligeant chacun à prendre position : « Lecornu est-il opposé à la taxe Zucman ? Nous ne sommes pas obsédés par le nom ; nous pouvons envisager d’autres solutions allant dans le même sens, c’est-à-dire répondre à l’indignation des Français et contraindre les milliardaires à participer à l’effort fiscal. Mais je soulève la question de savoir comment renforcer nos démocraties occidentales face à la montée de l’extrême droite, et le facteur clé est l’emploi. En France, les classes populaires votent en masse pour le Rassemblement National. Ensuite, les retraités et les étudiants se mobilisent et parviennent à freiner la progression grâce au succès des différents fronts républicains, mais c’est la situation actuelle. Nous ne pourrons pas arrêter la vague populiste si nous n’écoutons pas la frustration des travailleurs et si nous ne les plaçons pas au cœur du contrat social. »
Pour l'instant, Sébastien Lecornu s'en sort. Le 16 octobre, il a survécu aux motions de censure adoptées par l'Assemblée nationale, mais il doit son salut aux socialistes . Cette aide n'est ni gratuite, ni fiable à long terme, ni même à court terme, compte tenu de l'ère des gouvernements de façade inaugurée par l'Élysée de Macron. Aucun des deux votes n'a atteint les 289 voix « pour » nécessaires à la destitution de Lecornu, mais la motion de Mélenchon s'en est approchée plus que prévu. Elle a recueilli 271 voix pour, tandis que celle du Rassemblement national (RN) de Marine Le Pen est restée à 144 voix. Le RN a soutenu la motion de La France insoumise, mais la gauche n'a pas voté pour celle des partisans de Le Pen. Lecornu siège au Palazzo Mantignon, la corde au cou.
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