Parlons relations : Combler le fossé émotionnel : Partie 1 : L'impact du conditionnement de genre

Pourquoi est-il si difficile pour de nombreux couples de créer des liens émotionnels, même lorsqu'ils s'aiment ? La réponse réside souvent dans les premiers messages, qu'ils soient clairs ou implicites, qui apprennent à chaque sexe à gérer ses émotions. On dit souvent aux hommes d'être des hommes. On dit aux femmes qu'elles sont trop émotives. Ces leçons, assimilées dès l'enfance, façonnent notre comportement dans les relations adultes et érigent discrètement des murs entre nous. Le fossé émotionnel qu'elles créent est profond et son impact sur la connexion est profond.
Le lien affectif est un besoin humain universel, auquel nous aspirons tous et dont nous bénéficions, quel que soit notre genre. Si cette chronique se concentre sur la dynamique émotionnelle dans les relations hétérosexuelles, une prochaine chronique explorera les expériences émotionnelles des couples LGBTQ+, trans et non binaires, reconnaissant que le lien affectif et la compréhension sont au cœur de toute relation.
Je comprends que tous les lecteurs ne s'identifieront pas aux schémas décrits ici. Ce qui suit reflète le conditionnement genré traditionnel : la manière dont les hommes et les femmes ont historiquement appris à identifier les émotions acceptables et à les exprimer (ou à les réprimer). Si les rôles de genre évoluent et gagnent en flexibilité, nombre de ces croyances profondément ancrées persistent et continuent de façonner la manière dont les émotions sont vécues et comprises.
Ce n'est un secret pour personne : les femmes et les hommes apprennent souvent à gérer leurs émotions de manière très différente. Dans mon travail auprès des couples hétérosexuels, je suis souvent témoin de la frustration que cette fracture émotionnelle engendre. Nombreuses sont les femmes qui aspirent à une plus grande ouverture et réactivité émotionnelle de leur partenaire masculin. Si ce n'est pas le cas, elles peuvent se sentir exclues et seules. De leur côté, beaucoup d'hommes se sentent dépassés par l'intensité émotionnelle et ne savent pas comment réagir. On les qualifie souvent de « distants » ou « insensibles », un jugement qui passe à côté de la réalité profonde.
Ce fossé est souvent source d'incompréhension et de souffrances de part et d'autre. Pour commencer à le combler, il est nécessaire d'examiner attentivement la façon dont chaque genre a été conditionné à interagir avec ses émotions. Lorsque nous comprenons que la plupart d'entre nous faisons simplement de notre mieux avec ce qui nous a été enseigné, il devient plus facile d'aborder l'autre avec compassion. À partir de là, nous pouvons commencer à dépasser nos anciens schémas émotionnels et à évoluer vers des relations plus saines et plus connectées.
Soyez forts : Les garçons sont rarement encouragés à exprimer leurs émotions vulnérables comme la tristesse, la peur ou l'insécurité. La plupart grandissent sans voir de modèles masculins parler ouvertement de leurs sentiments. On leur dit plutôt de « se comporter en hommes », d'intérioriser leurs émotions et de se débrouiller seuls. À l'âge adulte, beaucoup d'hommes ont du mal à s'ouvrir, car cela va à l'encontre de tout ce qu'on leur a appris. Les garçons tissent souvent des liens par le biais d'activités, et non par le partage émotionnel. La douleur est souvent gérée en silence, ce qui crée une habitude d'autonomie émotionnelle qui dure toute la vie, une habitude qui ne profite pas toujours aux hommes.
Ne demandez pas d'aide : Tendre la main est souvent perçu comme une faiblesse. Les garçons apprennent à comprendre les choses par eux-mêmes. À l'âge adulte, beaucoup d'hommes considèrent les conversations émotionnelles comme gênantes, voire inutiles.
Ne pleure pas : À l'âge scolaire, les garçons entendent « endurcis-toi », « tu vas bien » et « passe à autre chose ». Les larmes peuvent donner lieu à des moqueries ou à du rejet, et les garçons apprennent donc rapidement à dissimuler leur vulnérabilité. Même des parents bien intentionnés peuvent décourager les pleurs en se dépêchant de réparer les choses ou en cachant leurs propres larmes. Avec le temps, les garçons apprennent à avoir honte de leur tristesse et à associer cette émotion à la faiblesse.
Soyez stoïque : La culture populaire glorifie l'homme inébranlable, le héros silencieux, l'athlète acharné. Les garçons s'imprègnent de l'idée qu'exprimer ses émotions n'est pas masculin. Nombre d'entre eux finissent par croire que le simple fait d'éprouver des émotions les rend imparfaits.
La colère est acceptable : si la plupart des émotions sont déconseillées, la colère est permise, parfois même attendue. Je vois souvent des hommes exprimer leur frustration, pour finalement révéler une souffrance ou une tristesse sous-jacente. La colère devient un masque socialement acceptable pour masquer des sentiments plus profonds et plus vulnérables.
Succès, valeur : Dès leur plus jeune âge, les garçons apprennent que leur valeur réside dans la performance : gagner, réussir, donner. Avec le temps, beaucoup associent amour et respect à la productivité. Les émotions qui ne favorisent pas la réussite sont rejetées, créant une douloureuse déconnexion avec soi-même et les autres.
Alors que l’on apprend aux hommes à réprimer leur vulnérabilité, les femmes sont façonnées par un scénario émotionnel différent, mais tout aussi restrictif.
Soyez bienveillante et à l'écoute des autres : On félicite les filles pour leur bienveillance et leur empathie. Avec le temps, elles peuvent se concentrer davantage sur les émotions des autres que sur les leurs, se sentant souvent coupables d'exprimer des choses « négatives ». Dire « Je vais bien » alors que ce n'est pas le cas devient une habitude. Des questions comme « Pourquoi es-tu si émotive ? » ou « Qu'est-ce qui ne va pas ? » peuvent amener les femmes à remettre en question la validité de leurs sentiments, ce qui sape leur confiance en elles.
Soyez gentilles, ne faites pas de vagues : On apprend aux filles à être polies et agréables. Les conflits ou les opinions tranchées peuvent être découragés. À l'âge adulte, cela peut rendre difficile la fixation de limites, conduisant les femmes à dire « oui » alors qu'elles veulent dire « non » pour éviter de paraître impolies ou désagréables. À terme, cela étouffe leur authenticité et engendre une fatigue émotionnelle.
Ne vous mettez pas en colère : Tout comme on dit aux garçons de ne pas pleurer, on dit aux filles de ne pas se mettre en colère. La colère chez les femmes est souvent qualifiée d'irrationnelle ou de peu attirante. Nombre d'entre elles apprennent à ravaler leur colère, ce qui peut mener à la dépression ou à une auto-accusation injustifiée. Avec mes clientes, je vois souvent des femmes intérioriser leurs problèmes relationnels plutôt que de reconnaître leurs propres émotions inexprimées ou leurs besoins insatisfaits.
N'en faites pas trop : Bien que les femmes bénéficient généralement de plus de « permission » émotionnelle que les hommes, elles sont souvent jugées pour leur trop grande émotivité, leur sensibilité ou leur intensité. Des étiquettes comme « dramatiques » ou « nécessiteuses » incitent beaucoup à minimiser ou à remettre en question leurs émotions, les réduisant au silence et diminuant leur confiance en elles.
Votre valeur réside dans votre apparence : les filles grandissent en étant félicitées pour leur apparence, qu'elles soient mignonnes, jolies ou sympathiques. Cela peut les amener à privilégier la perception qu'elles ont d'elles plutôt que leurs sentiments réels, renforçant ainsi leur tendance à rechercher la validation extérieure plutôt que la conscience émotionnelle.
Réprimez vos besoins : Les filles sont socialisées pour être des aidantes, souvent félicitées pour leur souci d'autrui. Si la compassion est une force, elle devient néfaste lorsque les femmes se sentent coupables de se donner la priorité. Avec le temps, elles peuvent taire leurs besoins pour préserver la paix, ce qui conduit au ressentiment, à l'épuisement professionnel et à la déconnexion émotionnelle, y compris avec elles-mêmes.
Nous ne choisissons pas les messages émotionnels avec lesquels nous grandissons, mais nous pouvons choisir de les examiner et de les désapprendre. La plupart des conditionnements émotionnels sont sous-jacents, façonnés par la culture, les médias, la famille et les groupes de pairs. La prise de conscience est la première étape vers le changement.
Quelle que soit votre identité de genre, je vous invite à réfléchir aux messages émotionnels que vous avez intériorisés. Lesquels ont nourri votre vie émotionnelle ? Lesquels vous ont freiné ? Lesquels êtes-vous prêt à abandonner ?
Nous ressentons tous profondément. Être humain, c'est connaître la joie et le chagrin, la fierté et la honte, la connexion et l'isolement, et tout ce qui se trouve entre les deux. Être humain, c'est aussi avoir besoin d'être vu, accepté et compris, tel que nous sommes.
Je vous encourage, où que vous soyez dans ce cheminement, à partager pleinement votre moi émotionnel avec honnêteté et courage. Ayez confiance : cela vous rapproche de vous-même et de vos proches. En nous libérant du conditionnement émotionnel dont nous avons hérité, nous évoluons vers un monde où les sentiments ne sont pas jugés, mais honorés et accueillis.
Vos émotions ne doivent pas être perçues comme un fardeau : elles sont votre force vitale. Elles apportent profondeur, couleur et sens à vos relations et à votre monde. Construisons une culture où les émotions ne sont pas seulement autorisées, mais honorées et célébrées.
La deuxième partie de cette chronique explorera le rôle que joue la physiologie cérébrale dans la manière dont les différents genres vivent et expriment leurs émotions.
Amy Newshore est thérapeute et coach de couple. Elle a obtenu un master en conseil clinique en santé mentale à l'Université d'Antioch, en Nouvelle-Angleterre. Elle a ensuite suivi une formation au Modèle de développement pour la thérapie de couple et à la communication non violente, qui constituent le fondement de son travail de coach relationnelle. Pour plus d'informations, consultez son site web : www.coachingbyamy.com .
Daily Hampshire Gazette