Kilmar Abrego García, expulsé à tort au Salvador par Washington, est désormais menacé d’expulsion vers l’Ouganda
Les avocats de Kilmar Abrego García, l’immigrant expulsé à tort vers le Salvador en mars puis ramené aux États-Unis en juin, ont accusé samedi le gouvernement Trump de tenter de le “contraindre” à plaider coupable dans son affaire pénale, en menaçant de l’envoyer “à l’autre bout du monde” en Ouganda, rapporte le New York Times.
“Le chemin tortueux” emprunté par les autorités américaines dans l’affaire de M. Abrego García depuis plus de cinq mois “suggère que leur objectif principal a toujours été de se débarrasser d’un problème juridique et politique qui leur a causé des ennuis et les a mis dans l’embarras”, juge le quotidien américain.
L’histoire de ce feuilleton judiciaire – illustration exemplaire, pour les critiques de Donald Trump, des “errances” de sa politique migratoire – a commencé le 15 mars, quand les services d’immigration ont expulsé ce Salvadorien de 30 ans vers son pays d’origine, avec plus de 250 hommes accusés d’appartenir à un gang.
Le gouvernement Trump avait reconnu une “erreur administrative”, le jeune homme, présent illégalement aux États-Unis mais marié à une Américaine, étant protégé depuis 2019 par une décision de justice interdisant son expulsion.
Alors qu’il est ramené en juin aux États-Unis, son affaire connaît un nouveau rebondissement : à la surprise générale, il est immédiatement inculpé et incarcéré pour trafic de migrants. Il plaide non coupable, son procès est fixé au 27 janvier 2027 et un juge fédéral ordonne qu’il soit libéré le vendredi 22 août, dans l’attente de son procès.
M. Abrego García a bien été libéré vendredi et a retrouvé son épouse et son domicile dans l’État du Maryland. Mais l’affaire s’est encore compliquée.
Car selon ses avocats, la veille de sa libération, “les procureurs fédéraux l’ont exhorté à conclure un accord : plaider coupable de deux chefs d’accusation de trafic d’êtres humains, purger sa peine et être expulsé vers le Costa Rica”, un “refuge tropical hispanophone considéré comme le pays le plus sûr d’Amérique centrale”, raconte le Washington Post.
“Lorsqu’il a décliné l’offre, préférant attendre son procès avec sa famille dans le Maryland, les autorités ont menacé de l’expulser ces prochains jours vers l’Ouganda, un pays africain où le département d’État déconseille les voyages en raison du risque persistant d’attentats terroristes”, ajoute le quotidien.
Dès vendredi, un avocat de police fédérale de l’immigration (ICE) a fait savoir aux représentants de M. Abrego García qu’il devrait se présenter lundi 25 août aux bureaux de l’ICE à Baltimore. Les autorités pourraient alors procéder à son expulsion, “au plus tôt 72 heures après” son arrivée dans les locaux, précise USA Today.
La vérité est qu’“on ignore ce qui pourrait se passer ensuite”, affirme le New York Times. Car si le jeune homme refuse de plaider coupable, “les procureurs devront probablement abandonner les accusations” à son encontre pour pouvoir “l’expulser à nouveau”, explique le quotidien. Une situation pour le moins rocambolesque.
Vendredi les procureurs ont pour leur part précisé aux avocats du jeune homme que l’offre de plaider coupable, suivie d’une expulsion au Costa Rica après avoir purgé sa peine, serait valable jusqu’à lundi, “faute de quoi cette offre serait définitivement abandonnée”, relève CNN.
“Il ne peut y avoir qu’une seule interprétation de ces événements : le ministère de la Justice, le ministère de la Sécurité intérieure et l’ICE utilisent leurs pouvoirs collectifs pour contraindre M. Abrego à choisir entre un plaider-coupable suivi d’une sécurité relative, ou une extradition vers l’Ouganda, où sa sécurité et sa liberté seraient menacées”, estiment les avocats de M. Abrego García dans une communication au juge en charge de l’affaire.
Pour eux, ces derniers développements prouvent que le gouvernement cherche à “punir” leur client pour avoir contesté devant la justice “son expulsion injustifiée” en mars dernier. “Cette affaire devrait être classée sans suite.”
Courrier International