Tour de France 2025. Il a levé les bras à Hautacam en 1994 : Luc Leblanc, à jamais le premier

Ses souvenirs sont encore clairs. Bien plus, en tout cas, que le ciel pyrénéen le 13 juillet 1994. Ce jour-là, dans un brouillard que l’on jurerait imperçable, Luc Leblanc s’envolait devant un Miguel Indurain tout de jaune vêtu pour décrocher à Hautacam, arrivée inédite à l’époque, une des plus belles victoires de sa carrière (*). « C’était un miracle », juge-t-il, 31 ans plus tard. À quelques encablures de Lourdes, cela fait sens pour celui qui, plus jeune, était passé proche de rentrer dans les ordres.
Touché dans sa chair depuis qu’un chauffard est venu le percuter à 11 ans – un accident qui a coûté la vie à son frère –, Luc Leblanc n’a cessé de se battre contre sa jambe gauche douloureuse. Après un début de Tour de France 1994 « catastrophique », la 11e étape entre Tarbes et Hautacam n’a donc rien de rassurante. Rongé par la souffrance, il hésite à mettre pied à terre. « J’étais dernier du peloton, à la limite de l’abandon », relate celui qui deviendra champion du monde à Agrigente (Italie) quelques semaines plus tard.
Caché derrière les nuages, Hautacam se fait encore discret. Luc Leblanc, lui, commence à remonter la pente. Au pied du col, le coureur de la Festina-Lotus « distribue les tickets de sortie » : le début de l’ascension fait des ravages, les autres lâchent un par un. Devant, Marco Pantani prend la poudre d’escampette. « Quand il part, je me dis que le rythme risque d’être élevé, et qu’il vaut mieux rester dans les roues de l’équipe Banesto [du Maillot Jaune Miguel Indurain] », se souvient “Lucho”. À 6 kilomètres du sommet, il se retrouve seul dans la roue de l’Espagnol, candidat à un quatrième titre consécutif.
Pantani se fait reprendre à 2,5 kilomètres par ce duo au sein duquel Leblanc ne ménage pas ses efforts. C’est d’ailleurs une de ses accélérations qui va envoyer paître les ambitions de l’Italien : « Quand on le reprend, je me dis qu’il ne faut pas lui laisser la possibilité de se refaire la cerise. » Les prémices d’une attaque similaire à l’approche de la ligne, pour laisser Indurain sur place. « À l’époque, on a dit qu’il m’avait laissé l’étape », regrette le Limousin, avant de répondre : « J’ai fait mon boulot parce que je voulais gagner, et je savais que j’étais meilleur que Miguel sur l’explosivité. » Le poing levé, Leblanc franchit la ligne le sourire aux lèvres.
Revenu là-haut en 2022 pour assister à la victoire de Jonas Vingegaard, il jure « ne pas avoir reconnu les lieux », cette fois baignés par le soleil. Ce jeudi, il y sera encore pour admirer la bataille qui s’annonce dans une ascension depuis peu nommée ‘‘montée Luc Leblanc’’.
(*) : Au procès Festina en 2000 puis dans son livre Moi, Lucho – L’important, c’est de rester vivant (ed. Solar), Luc Leblanc a reconnu avoir eu recours au dopage en 1994 « pour rester à [son] niveau ».
Le Journal de Saône-et-Loire