Andrè Schuen, Altesse et héritier à Vilabertran (★★★★✩)

33ème Schubertíada de Vilabertran ★★★★✩
Interprètes : Andrè Schuen, baryton. Daniel Heide, piano. Lieu et date : Canònica de Vilabertran (21/08/25)
Baryton à son apogée, héritier de la plus haute tradition du lieder germanique, Andrè Schuen (né en 1984) est devenu Son Altesse de la Schubertiade de Vilabertran. Alors que Mathias Goerne est sur le chemin de la retraite, Schuen, qui a célébré ce jeudi sa 10e participation au festival canonique, réaffirme sa position, avec son instrument velouté au phrasé onctueux et à la diction parfaite, comme le successeur idéal de la génération. Ce festival est addictif, tant pour son public que pour les artistes qui le fréquentent année après année, et nul ne peut le nier : Schuen est le favori.
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Le chanteur du Tyrol du Sud a partagé avec le public d'Ampurdan une évolution qui l'a conduit à son état vocal actuel, où la fluidité de son interprétation, le contrôle technique de sa tessiture et la noblesse d'un timbre, typique des rares élus, se traduisent par des performances incontournables comme celle-ci.
La beauté de sa couleur baryton miellée prévalait, sereine et nostalgique, avec des notes de basse pulpeuses de grand effet.La soirée a débuté par six lieder de R. Strauss, où la beauté de son baryton mielleux dominait, serein et nostalgique, avec des basses d'une richesse et d'une puissance exceptionnelles. Citons notamment un Ständchen, op. 17/2, à la fois automnal et pétillant, un artiste accompli. Il a conclu la première partie avec une pierre de touche, les Wesendonck Lieder de Wagner. C'était le plus bel hommage au baryton Dietrich Fischer-Dieskau, dont le centenaire est célébré cette année, et la Schubertiade a inclus ce récital en souvenir de ce grand chanteur, un phare pour les lieders de toutes les générations suivantes.

Une image du chanoine de Santa Maria de Vilabertran pendant le concert
Mireia PratsLa maîtrise du son, avec des régulateurs d'une clarté étonnante, le phrasé net, sans affectations, laissant couler la beauté du timbre, et une placidité sonore pleine de nocturnalité et de rêverie, ont fait de sa lecture un modèle d'interprétation.
La seconde partie s'est ouverte avec le Turnmwächterlied und andere Gesänge, op. 8, d'Alexander von Zemlinsky, qui n'avait pas été joué au festival. Schuen et le toujours empathique et impeccable Daniel Heide ont su saisir la couleur et le style audacieux du compositeur. L'originalité de la composition, qui joue avec la tonalité, les artifices harmoniques et la modernité de l'ancien professeur et beau-père d'Arnold Schönberg, a ainsi permis à deux interprètes exemplaires de se distinguer.
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Avec quelques signes de fatigue dans l'aigu, Schuen conclut son Liederabend par six autres lieder de R. Strauss, une autre lecture canonique portée par un instrument éclatant. Émission, articulation et projection fusionnèrent dans un Morgen! final d'un silence infini.
lavanguardia