La saison du Met s'ouvre avec un nouvel opéra basé sur le roman de Michael Chabon avec le ténor Miles Mykkanen

NEW YORK -- Miles Mykkanen rêvait depuis son enfance de chanter et de danser à Broadway, mais les programmes de comédie musicale auxquels il avait postulé pour l'université l'ont refusé. Il a donc dû se contenter d'étudier l'opéra à la Juilliard School du Lincoln Center.

« À 18 ans, quand on a les yeux rivés sur la 42e Rue et qu'on est appelé pour la 65e Rue, c'était étrangement décevant », se souvient-il. « Mais au bout de quelques heures, je me suis un peu giflé et je me suis dit : "Miles, reprends-toi." »

C'était il y a 16 ans, et depuis, il s'est tellement ressaisi qu'à 34 ans, il vient d'ouvrir la saison du Metropolitan Opera dans un rôle principal dans un nouvel opéra, « Les aventures étonnantes de Kavalier & Clay ».

Avec un livret de Gene Scheer et une musique de Mason Bates, l'opéra est basé sur le roman de Michael Chabon. Mykkanen incarne Sammy Clay, un jeune juif qui grandit à Brooklyn pendant la Seconde Guerre mondiale et qui s'associe à son cousin, le réfugié tchèque Joe Kavalier, pour créer un héros de bande dessinée inspiré de Superman.

Il sera également de retour au Met au printemps dans un autre opéra moderne, « Innocence » de la compositrice finlandaise Kaija Saariaho. Il y incarne le Marié, un rôle qu'il a chanté pour la première fois en 2024 lors de la première américaine de l'œuvre à l'Opéra de San Francisco.

Mykkanen avait déjà chanté au Met, attirant généralement peu d'attention dans de petits rôles, bien que son interprétation envoûtante du Saint Fou dans « Boris Godounov » de Moussorgski en 2021 ait été saluée par la critique.

« Mais cette saison est tellement idéale », a déclaré Mykkanen. « Tout à coup, mon emploi du temps s'est mis en place, et je me suis demandé : « Oh là là, d'où vient tout ça ? »

Lorsque le Met a choisi de distribuer les rôles de « Kavalier & Clay », c'est Michael Heaston, l'administrateur artistique, qui a pensé à Mykkanen pour le rôle de Sammy.

« J'ai rencontré Miles pour la première fois alors qu'il était encore étudiant à Juilliard, et il m'a immédiatement impressionné », a déclaré Heaston. « C'est un chanteur qui sait s'adapter à tous les genres, un artiste rare capable d'interpréter un air d'opéra touchant en un instant, puis de se déhancher instantanément sur un classique du répertoire américain. »

« Quand j'ai regardé la partition de Mason et que j'ai pris en compte les exigences vocales et d'interprétation, elle semblait faite sur mesure pour Miles. »

Mary Birnbaum, qui a enseigné le théâtre à Mykkanen à Juilliard, a déclaré qu'elle n'était pas surprise de sa soudaine ascension vers la célébrité.

« Honnêtement, c'est ce que j'imaginais depuis le début », a-t-elle déclaré. « Il a un son très américain, séduisant et riche. Mais il est aussi un acteur audacieux… et il sublime le sujet qu'il incarne. »

Par coïncidence, ses deux rôles cette saison sont des personnages qui ont quelque chose à cacher. « Ce sont des personnages qui ont deux énormes secrets qui les rongent », a déclaré Mykkanen.

Dans le cas de Sammy, c'est sa sexualité et son ambivalence quant à son attirance pour l'acteur Perry Bacon.

« Étant moi-même homosexuel, ce rôle a été très enrichissant pour moi, en repensant à mon coming out il y a 20 ans », a déclaré Mykkanen. « Sammy veut croire en son avenir, mais il lutte sans cesse et se demande si le monde parviendra un jour à surmonter ses préjugés et à l'accepter. »

« Innocence » traite des effets persistants d'une fusillade dans une école 10 ans plus tard, et à mesure que les secrets sont dévoilés, le rôle de l'Époux dans les événements horribles est progressivement exposé.

Mykkanen savoure les défis musicaux très différents que représentent les deux rôles. La partition de Saariaho pour « Innocence », dit-il, est composée avec une précision quasi mathématique. « Quand je l'ai ouverte pour la première fois, j'étais submergé par les signatures rythmiques et les armures. On essaie de comprendre ce qu'elle pensait, comment on peut tout assembler. »

« Kavalier & Clay », écrit dans un style qui utilise ce que Bates appelle « l'électronique symphonique », a été plus facile à apprendre. « J'ai presque l'impression qu'il commence à créer un nouveau genre dans l'opéra », a déclaré Mykkanen. « C'est quelque chose que l'opéra américain cherche à trouver depuis une dizaine d'années… Je ne veux pas m'arrêter à dire que c'est du théâtre musical, mais parfois, c'est très familier. »

Mykkanen a grandi dans la région reculée d'Ironwood, dans la péninsule supérieure du Michigan, où ses deux parents étaient chefs d'orchestre au lycée. Bien qu'il ait manifesté un talent pour le chant dès son plus jeune âge, c'est la musique de spectacle plutôt que l'opéra qui l'a inspiré. Lorsque ses parents lui ont trouvé un professeur de chant classique, « pour moi, c'était un moyen d'atteindre un objectif : développer ma voix pour pouvoir chanter sur les scènes de Broadway. »

Bien que sa carrière l'amène désormais aux États-Unis et en Europe, Mykkanen considère toujours la région d'Ironwood comme son foyer. En 2019, il a lancé un festival artistique appelé Emberlight, devenu un programme estival de deux mois proposant performances live, films, expositions et débats avec des artistes invités. Lorsqu'il n'est pas sur place, il gère la logistique à distance et compte également beaucoup sur le bénévolat.

« Le simple fait d’être la personne qui, avec beaucoup d’autres personnes derrière moi, apporte de l’art dans cette région qui est rurale et éloignée… Cela a été l’une des plus grandes bénédictions de ma vie », a-t-il déclaré.

Et quand il ne joue pas, il revient. « J'ai une pièce au sous-sol de mes parents où je range mes affaires », dit-il. « Entre deux contrats, je reviens ici et je reste chez mes parents… Je les appelle d'Amsterdam pour leur demander : "Bon, qu'est-ce qu'on mange mardi prochain à mon arrivée ?" »

« Kavalier & Clay » est à l'affiche jusqu'au 11 octobre. Au programme : le baryton Andrzej Filończyk dans le rôle de Joe ; la soprano Lauren Snouffer dans celui de sa sœur Sarah ; la soprano Sun-Ly Pierce dans celui de Rosa Saks ; et le baryton Edward Nelson dans celui de Perry Bacon. Le directeur musical du Met, Yannick Nézet-Séguin, dirige la production mise en scène par Bartlett Sher.