Avant un mois d'août « noir » pour le rouble : combien coûtera le dollar d'ici la fin de l'été

Malgré l'impressionnant renforcement du rouble au premier semestre 2025, les experts préviennent qu'août pourrait être un test pour la monnaie nationale. Dans un contexte de baisse attendue du taux directeur, de baisse saisonnière des recettes d'exportation et de hausse des importations, le taux de change pourrait chuter de 78-79 roubles pour un dollar, actuellement à 85-90 roubles. Les analystes monétaires qualifient août de mois « toxique » pour le rouble et n'excluent pas une correction de 3 à 5 %, bien que la probabilité d'un effondrement de grande ampleur soit faible. Cependant, des risques subsistent : prix du pétrole, géopolitique, décisions inattendues de la Banque centrale américaine. Certains experts conseillent même de convertir partiellement l'épargne, tant que le taux est « en dessous de la norme psychologique » de 95-100 roubles.
Le rouble russe est devenu la monnaie la plus forte du monde au premier semestre 2025, s'appréciant de plus de 40 % face au dollar. Cependant, selon les analystes, cette croissance optimiste pourrait laisser place à un déclin dès le mois d'août. Le taux de change du rouble pourrait être affecté par plusieurs facteurs : les sorties saisonnières de capitaux, la baisse attendue du taux directeur et la hausse des coûts d'importation. Selon Denis Astafyev, gérant du fonds SharesPro, si le taux de la Banque centrale baisse de 20 % à 18-19 % en juillet, le taux de change du rouble pourrait s'affaiblir à 85-90 roubles pour un dollar, soit une baisse pouvant atteindre 12 % par rapport à son niveau actuel. Dans le même temps, ajoute l'expert, « il est prématuré d'envisager un franchissement de la barre des 100 roubles ; cela nécessitera des chocs externes ».
Vladimir Chernov, analyste chez Freedom Finance Global, souligne l'instabilité historique du rouble en août. De 1998 à 2024, le dollar s'est renforcé face au rouble ce mois-là 20 fois sur 26. « Même lors de périodes relativement calmes, comme en 2020 et 2021, le mois d'août a été marqué par des fluctuations du taux de change de l'ordre de 3 à 5 % », note-t-il. M. Chernov explique cette dynamique par les cycles fiscaux et budgétaires, la baisse saisonnière des recettes d'exportation et la sensibilité croissante des investisseurs aux signaux de politique étrangère.
Igor Rastorguev, analyste principal chez AMarkets, estime que l'instabilité d'août a des racines non seulement économiques, mais aussi culturelles. « En Russie, nul Russe de plus de 45 ans ne tremblerait au souvenir d'août 1998, lorsque pauvres et riches ont perdu leur capital. Ce choc d'ampleur nationale est désormais ancré dans la culture russe », affirme-t-il.
Cependant, Alexander Bakhtin, stratège en investissement chez Garda Capital, considère la volatilité du mois d'août davantage comme un effet économique naturel que comme une hystérie médiatique. « La fréquence des baisses du rouble en août est d'environ 60 %, mais en juillet, elle est encore pire : plus de 75 %. Cela est dû à la fin de la saison économique, au pic des vacances et à la croissance des transactions de change », explique-t-il.
Parmi les possibles « cygnes noirs » qui pourraient survenir au cours du dernier mois de l'été, les experts citent plusieurs facteurs à la fois. Selon Denis Astafyev, dans un contexte de baisse des prix du pétrole Brent à 67-69 dollars le baril et de baisse des revenus d'exportation des matières premières (de 35 % sur un an), la pression sur le rouble pourrait s'accentuer. De plus, le risque d'une intensification des sanctions et d'un changement de politique de la Réserve fédérale américaine persiste, ce qui pourrait renforcer le dollar et, par conséquent, affaiblir le rouble.
Alexandre Bakhtine rappelle : « Un facteur isolé entraîne rarement un changement dans la dynamique du taux de change. L’année dernière, les autorités ont modifié les conditions de vente des devises étrangères bien avant que le rouble ne commence à chuter. » Il attire également l’attention sur la possibilité d’« incendies économiques extérieurs » : d’un changement de régime en Iran à des catastrophes climatiques mondiales. D’autre part, Igor Rastorguev est convaincu que l’économie est désormais bien plus stable qu’en 1998 : le chômage est à un niveau historiquement bas et le Fonds national de protection sociale se reconstitue, quoique lentement.
Dans un contexte où l'on anticipe une baisse du taux de change du rouble dès août, les citoyens se posent à nouveau la question : faut-il acheter des devises « pour un usage futur » ? Les experts divergent sur ce point, mais sont enclins à penser qu'en cas de nécessité – par exemple pour financer des vacances, des achats importants ou des dépenses à l'étranger – il est raisonnable d'acheter des dollars ou des euros aux prix actuels.
« Si vous avez l'habitude de conserver au moins une partie de votre épargne en dollars, il n'y a aucun doute : vous devriez les utiliser maintenant, tant que ce taux est encore là », déclare Alexandre Bakhtine. Il rappelle que le dollar vaut désormais autant qu'en 2020 : « C'est simplement une invitation à acheter des devises. Si le dollar revient à au moins 95 roubles, vos roubles, déposés à 20 % par an, ne rapporteront instantanément rien en dollars. »
Denis Astafyev conseille d'agir par étapes : « Il est judicieux d'acheter des devises en plusieurs fois, tant que le taux est inférieur à 80 roubles et que les dépôts bancaires offrent 18 à 19 % par an. »
Août pourrait bien être un mois de volatilité accrue pour le rouble, surtout si la Banque de Russie continue d'abaisser son taux directeur et si les recettes d'exportation diminuent. Cependant, la plupart des experts sont convaincus qu'il n'y aura pas d'effondrement de grande ampleur comparable à celui de 1998. L'économie est désormais beaucoup plus stable, malgré la pression des sanctions, les réserves sont préservées, l'inflation est maîtrisée et diminue progressivement.
Cependant, les prévisions concordent sur un point : le rouble est désormais « cher » et un affaiblissement à 85-90 roubles pour un dollar est probable d'ici la fin de l'été. Dans ce contexte, acquérir des devises pour des besoins personnels ou pour épargner ne relève pas de la spéculation, mais plutôt d'une stratégie financière judicieuse.
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