Nous entendons la peur avant de la ressentir :

Bien avant de pouvoir parler, lire ou marcher, nous éprouvons de la peur. Et pas n'importe quelle peur, mais deux peurs spécifiques, profondément ancrées dans notre biologie : la peur des bruits forts et la peur de tomber.
Il est intéressant de noter que les deux sont profondément liés au même sens : l’ouïe. Et ce n’est peut-être pas une coïncidence.
Dans l'immensité des stimuli sensoriels, c'est le son qui nous alerte le plus rapidement du danger. C'est lui qui nous avertit de ce que nous ne voyons pas. Une détonation, un cri, une explosion : en quelques millisecondes, le corps réagit. Le cœur s'emballe, les muscles se contractent, l'instinct prend le dessus. La peur des bruits forts n'est pas acquise, elle est innée. Elle est présente dès le premier jour.
La peur du vide, bien qu'apparemment visuelle, trouve également son origine dans l'oreille. Le système vestibulaire, situé dans l'oreille interne, est le lieu où le corps mesure l'équilibre, le mouvement et l'orientation dans l'espace. Lorsque le cerveau détecte une instabilité ou une chute imminente, il déclenche une alarme. Là encore, c'est l'ouïe, sous une forme plus subtile et plus interne, qui assure notre survie.
Toutes les autres peurs ? Apprises. Héritées. Conditionnées.
La peur de faire des erreurs, de ne pas être accepté, d'échouer, d'être déçu, de vieillir, d'être rejeté – ces peurs ne sont pas innées. Elles se transmettent de génération en génération, souvent involontairement. Nous les absorbons dans le ton anxieux de ceux qui nous élèvent, dans les règles sociales qui nous limitent, dans les messages subliminaux d'une culture qui privilégie l'obéissance à l'audace.
La question se pose alors : combien de nos peurs sont réellement les nôtres ?
En comprenant que seules deux peurs sont naturelles et qu'elles sont toutes deux liées au même sens – l'ouïe –, nous pouvons commencer à déconstruire les autres. Nous pouvons mieux écouter nos propres limites et comprendre celles qui nous ont été imposées.
L'ouïe ne sert pas seulement à écouter de la musique ou des voix. C'est notre radar du danger, notre alerte primaire, l'étincelle de l'instinct. Ce n'est pas un hasard si c'est le premier sens fonctionnel dans l'utérus : nous entendons avant de voir. Et c'est peut-être pourquoi la peur s'exprime d'abord par le son.
Il est temps de réapprendre à distinguer la peur réelle de la peur innée. Et surtout, de se débarrasser des peurs qui nous réduisent au silence, nous rabaissent et nous empêchent de vivre plus sincèrement.
Si la peur est la première chose que nous entendons, peut-être que le courage est la première chose que nous devons nous dire, à nous-mêmes.
observador