« Un pont de pierre miniature » : deux siècles d’histoire pour le Vieux Pont de Bergerac

L’édifice célèbre cette année ses 200 ans d’existence. Pour l’occasion, « Sud Ouest » a remonté le fil de son histoire
On le voit tous les jours sans forcément connaître son histoire. Le Vieux Pont, dont la Ville de Bergerac (Dordogne) célébrait les 200 ans, samedi 20 et dimanche 21 septembre, a livré ses secrets sous la houlette de Sylvie Carpentier, médiatrice culturelle.
Dès 1209, des écrits témoignent de la présence d’un édifice reliant les deux rives. Au fil des siècles, les guerres et les crues n’auront pas été tendres avec ce pont qui finit par être totalement emporté le 7 mars 1783. La crue « exceptionnelle » a raison des 12 piles de cet ouvrage médiéval. Il faudra attendre quarante-deux ans pour que le passage soit de nouveau ouvert.
Bacs et passeurs« Mais on voulait encore franchir la rivière, souligne Sylvie Carpentier. On le faisait alors grâce à des bacs conduits par des passeurs qui ont fait fortune. On estime qu’ils réalisaient 50 passages par jour. » Les passeurs n’hésitaient pas à user de leur influence pour freiner tout projet de pont. Mais les Bergeracois, répartis sur les deux rives, ne peuvent vivre sans cette voie de passage. Député de Bergerac, Maine de Biran « se bat » aussi pour la reconstruction.
De 1815 à 1820, l’élu se charge d’obtenir l’aval de l’administration des Ponts et Chaussée et une loi autorisant l’édification est finalement votée en 1821. Le 7 mars 1822, trente-neuf ans jour pour jour après l’effondrement de l’ancien pont, les travaux sont lancés.
Mais le chantier connaît des péripéties et l’État finit par faire appel au banquier bordelais Pierre Balguerie-Stuttenberg, qui a financé le pont de pierre à Bordeaux. La construction est assurée la Société des cinq ponts, sous la houlette de deux ingénieurs et avec les conseils de Claude Deschamps, qui a réalisé l’ouvrage bordelais. « C’est un pont de pierre miniature », observe Sylvie Carpentier qui relève les quatre piles en forme de tonneau et les cinq arches en plein cintre. Mais, contrairement au pont de pierre, les tympans du Vieux Pont de Bergerac ne portent pas le N de Napoléon comme il l’aurait souhaité.
Un péageAu total, 500 ouvriers ont travaillé sur le chantier, parfois de nuit et même le dimanche, en s’aidant de bâtards d’eau et de pompes pour asseoir les piles. Il a fallu attendre le 4 novembre 1825 pour qu’il soit ouvert aux piétons, puis le 21 septembre 1826 pour qu’il devienne « hippomobile ». « Pendant un an, le pont n’est pas fini, le parapet, la chaussée ne sont pas terminés, précise Sylvie Carpentier. Puis il faut installer un péage et je peux vous dire que cela est très mal passé auprès des Bergeracois ! »
Ce péage fut tout de même utilisé jusqu’en 1848 et les tarifs ont varié selon ce qu’on transportait. « Les archives sont truculentes, certains passent avec une oie, d’autres avec un sac de blé ou un bœuf », s’amuse la médiatrice culturelle. Le pont a « transformé la ville, son rythme, ses échanges », notamment commerciaux.
Il a résisté aux guerresLe Vieux Pont a résisté aux deux guerres mondiales. En 1940, les Allemands s’arrêtent à Ribérac mais les Bergeracois ont « protégé » la structure en la garnissant de véhicules pour éviter le passage de l’ennemi. De leur côté, les maquisards ont installé des charges explosives au cas où les nazis viendraient à passer avant de les démonter. L’histoire du Vieux Pont est loin d’être terminée.
SudOuest