Tapisserie de Bayeux : la France se prépare à relever le « défi technique » du prêt à Londres

Depuis l’annonce de ce prêt par Emmanuel Macron en juillet, la perspective d’un transport longue durée de cette broderie du XIe siècle, fragilisée par les années, inquiète des experts et certains défenseurs du patrimoine.
Une première étape cruciale a été franchie avec l’extraction jeudi de la tapisserie hors de son musée de Normandie, une première depuis 1983, et son acheminement le lendemain dans un lieu de conservation de la ville tenu secret. Prévu de longue date, ce transfert de courte durée a impliqué une centaine de personnes pendant plus de sept heures et « s’est remarquablement passé », a déclaré lundi un représentant du ministère de la Culture, selon qui cette opération est de bon augure pour le prêt au British Museum.
« L’opération qui a eu lieu la semaine dernière démontre qu’on peut y arriver et que si on s’entoure de toutes les précautions, on devrait pouvoir réaliser le prêt de bonne manière », a déclaré cette source lors du briefing. Selon ce représentant, il n’y a pas « d’incertitudes fondamentales » sur la possibilité de transférer la tapisserie à Londres, où elle doit être exposée pendant un an à partir de septembre 2026.
Selon le ministère de la Culture, l’extraction sans encombres de la tapisserie la semaine dernière incite à l’optimisme. « On avance étape par étape, ce qui paraissait complètement impossible il y a cinq ans » est devenu possible, indique la source au ministère, en se référant à cette opération.
Pour réussir ce transfert, les services du ministère ont ainsi innové en utilisant des paravents en polycarbonate sur lesquels la broderie a été posée afin qu’elle puisse être repliée sur elle-même sans risque. Afin de l’extraire de sa vitrine, le rail auquel elle était suspendue depuis 1983 avait par ailleurs été prolongé de quelques mètres et une cinquantaine de personnes s’étaient saisies des crochets de suspension pour faire glisser l’immense broderie de manière synchronisée sur son rail.

LOU BENOIST / AFP
Une question centrale reste toutefois à régler. De l’avis général, les vibrations causées par un transport longue durée menacent de fragiliser encore cette tapisserie de 70 mètres de long, sur laquelle ont déjà été relevés 9 646 trous et 30 déchirures. Une étude de 2021 avait ainsi pointé des « risques supplémentaires » en cas de transport dépassant « une heure de trajet ». « La question […] des vibrations est particulièrement stratégique », convient Philippe Bélaval.
Pour y répondre, un appel d’offres a été lancé pour procéder à un « voyage à blanc » en camion vers Londres d’un fac-similé de la tapisserie, qui devra notamment permettre d’imaginer des moyens « d’amortissement des vibrations ». Les résultats de cette nouvelle étude sont attendus pour début 2026 et les autorités se refusent à envisager le scénario noir d’une tapisserie déclarée intransportable. « On ne va pas se placer d’emblée dans l’hypothèse où les études seront négatives, où il faudra renoncer à tout », explique Philippe Bélaval. « Notre responsabilité […] c’est de faire en sorte que le prêt promis, sur lequel la France s’est engagée vis-à-vis du Royaume-Uni, ait bien lieu, dans les meilleures conditions possibles ».
SudOuest