Il la voyait tous les jours au collège : à 70 ans, Philippe restaure la Triumph qui l’émerveillait ado

DANS MON GARAGE - Chaque vendredi, des automobilistes ou motards présentent au Figaro leurs véhicules d’exception. Aujourd’hui, un ancien avocat d’affaire raconte la rénovation d’une Triumph TR4.
À Béziers, dans son garage transformé en atelier, Philippe Chavanne, septuagénaire ancien avocat d’affaire, remet en état une Triumph TR4 bleu marine. En s’attelant à cette tâche qu’il décrit comme «compliquée», il se remémore son adolescence. Surtout l’année 1967, quand il a aperçu pour la première fois ce modèle dans la cour de son collège. «J’étais en 4e à l’époque, j’avais 12 ou 13 ans. Un garçon de Perpignan arrivait le matin avec son père au volant de cette même Triumph TR4. C’était magique », se souvient-il, encore ému par ce souvenir vieux de plus d’un demi-siècle.
Au moment d’entamer sa retraite à temps partiel en 2022, il réfléchit à changer de voiture : « J’avais un Range Rover , mais c’était un gros véhicule qui n’est pas pratique pour les trajets du quotidien», explique-t-il. Il ne se voyait pas rouler dans une voiture classique. Il regarde aussi de loin les véhicules électriques, qui ne sont pas à son goût non plus. «J’ai envisagé l’achat d’une Méhari , mais je ne me sentais pas vraiment en sécurité, raconte-t-il. Et j’ai alors repensé à cette Triumph TR4...»
Philippe commence donc ses recherches sur un site spécialisé dans les voitures anciennes. « Le véhicule était en Belgique , bleu marine avec un intérieur en bois, exactement ce dont je rêvais. Il paraissait en bon état », précise-t-il. L’avocat à la retraite ne fait pas les choses à moitié, et se montre même prudent : « j’ai pris contact avec un expert qui m’a accompagné de Béziers à Liège pour examiner la voiture », raconte Philippe. À l’inspection, il manquait l’overdrive (pièce qui démultiplie les rapports de vitesses, NDLR), «mais bon, on m’a dit qu’il y avait plus de soucis que d’avantages avec ce système », note-t-il. Le vendeur lui dit que la voiture est «dans son jus», pas de quoi s’inquiéter pour autant. Philippe finalise l’achat en décembre 2022 pour la somme de 24.500 euros.
S’ensuivent les démarches administratives : « C’est la France ! Si vous n’avez pas tous les papiers, vous êtes en infraction. Il a fallu franciser la voiture, faire les quitus fiscaux, passer un contrôle technique ...», soupire-t-il. Mais la satisfaction est au rendez-vous quand il peut enfin rouler avec sa Triumph à l’été 2023.
Une idylle de courte durée. Au retour de l’été, il souhaite changer la peinture et la faire briller. «Je m’aperçois alors qu’un polish (produit qui vise à redonner un aspect lisse à la carrosserie, NDLR) ne suffit pas ». Début des péripéties. Un garagiste le conseille et lui propose de tout démonter et tout sabler. C’est une technique de décapage des éléments d’une carrosserie qui permet de redonner un aspect d’origine au véhicule.
Sauf que le démontage révèle progressivement l’ampleur des dégâts. « Elle n’était pas en aussi bon état que je le pensais. J’ai trouvé pas mal de choses rouillées, particulièrement au niveau des passages de roue. C’est une maladie de ces voitures-là . Elle avait 57 ans, on pouvait s’attendre à de la rouille, mais là c’était choquant. Le propriétaire m’avait dit qu’elle était dans son jus, eh bien j’ai découvert un jus très opaque...», s’exclame Philippe, encore incrédule. Un exemple : l’arrière du châssis, légèrement relevé et pas fermé, laissait entrer l’eau qui stagnait. Un nid à rouille. Un garagiste lui conseille même, face à la vétusté du véhicule, de le revendre en pièces détachées.
Pas question. Le septuagénaire fait preuve de résilience. Les trains arrières et les arbres de transmission sont en très mauvais état sur la voiture. Le problème, c’est qu’ils sont quasi-impossibles à démonter. «Par bouche-à-oreille, j’ai trouvé quelqu’un qui sait “parler au fer’’, comme on dit, qui a réussi à les décoincer », raconte-t-il reconnaissant.
Le temps file, et la Triumph ne roule toujours pas. En janvier 2025, il se résigne enfin à prendre un carrossier pour lui confier la restauration finale : « Je voulais quand même rouler avec avant de mourir !», confie-t-il. Les travaux commencent en janvier 2024, mais les surprises continuent d’affluer : « Il a fallu changer les planchers, les passages de roue, le capot du coffre arrière, le capot avant, une aile arrière... », énumère Philippe.
Quant au budget, il préfère rester dans le flou : « À l’heure actuelle, je ne sais même pas combien ça m’a coûté au total. J’ai les factures mais je préfère ne pas les regarder. Au début, on parlait de 15.000 euros pour la carrosserie, puis 20.000, et maintenant on est à plus de 30.000 avec la main-d’œuvre », avoue-t-il, résigné.
Mais selon lui, ce n’est pas un travail en vain. Ce qui motive Philippe, au-delà de la restauration elle-même, c’est l’expérience unique que procure la conduite d’une telle voiture : « On fait corps avec elle. On entend le moteur, on sent l’odeur d’huile chaude, ça fait partie de ma jeunesse », s’enthousiasme-t-il. « Vous sentez la moindre bosse, le moindre trou. Il n’y a pas de frein assisté ni de direction assistée. Il faut conduire comme je conduisais à 16 ans à moto », ajoute-t-il. Cette authenticité suscite d’ailleurs l’intérêt du public : « Les gens saluent, applaudissent quand ils vous voient passer». Et puis, il y a une lumière au bout du tunnel, Philippe a des projets précis avec son auto. «J’aimerais, en septembre 2025, faire un voyage sur la côte espagnole, du côté de San Sebastian et de la Galice ». La passion est sans limite.
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