Ils larguent des moustiques par hélicoptère pour sauver les oiseaux chanteurs


Il y a les kiwikiu, les akiapolaau et les akikiki.
À Hawaii, ces passereaux chanteurs aux noms si jolis font face à une menace : les moustiques. Ils y propagent une maladie mortelle, le paludisme aviaire.
Pour les sauver de l’extinction, les scientifiques ont décidé de soigner le mal par le mal. Comment ? En larguant par hélicoptère des contenants remplis de moustiques mâles vivants, raconte le site américain Vox.

“Voilà plus d’un an que, sur les îles de Maui et de Kauai, des associations de défense de l’environnement font larguer par hélicoptère des cônes biodégradables remplis de moustiques, dans les habitats d’oiseaux menacés. Les largages se font aussi depuis peu par drone”, retrace le site américain.
“Ces boîtes ouvertes tombent au sol, et les insectes s’échappent alors dans la forêt.”
“Le moustique[introduit à Hawaiiau XVIIIe siècle]
a très vite proliférédans l’archipel,avant de devenirle vecteur dupaludisme aviaire,maladie parasitaireque cet insectetransmet par sespiqûres.”
Le site d’information américain Vox
Mais les moustiques largués aujourd’hui ne sont pas comme les autres. Déjà, il s’agit uniquement de moustiques mâles, donc ils ne piquent pas.
Ensuite, lesdits insectes ont été élevés en laboratoires et sont porteurs d’une souche de bactérie qui entrave la fertilité.
“Lorsqu’ils se reproduisent avec des femelles locales, leurs œufs n’éclosent pas – ce petit tour de magie biologique porte le nom de ‘technique de l’insecte incompatible’ (TII).”

“La méthode TIIcrée une barrière invisiblepour empêcherles moustiques porteursdu paludismede monter en altitude,vers les forêtsoù vivent les espècesnon touchées.”
Chris Farmer, directeur du programme “Hawaii” à l’American Bird Conservancy, au site américain Vox
Car le paludisme aviaire, potentiellement mortel, a dévasté les populations d’oiseaux des forêts hawaïennes, en particulier une famille de passereaux : les Fringillidés.
“Il existait jadis à Hawaii plus de cinquante espèces de ces oiseaux chanteurs aux couleurs chatoyantes. Aujourd’hui, seules dix-sept ne sont pas éteintes. Je l’ai constaté de mes yeux, ou plutôt de mes oreilles : le silence s’est abattu sur les forêts”, soupire le journaliste de Vox.

“Faire larguer des moustiques par des drones et des hélicos, cela semble délirant”, concède Marm Kilpatrick, spécialiste du paludisme aviaire à l’université de Californie à Santa Cruz.
Mais pour lui, “c’est la meilleure solution à disposition pour sauver les oiseaux d’Hawaii”.
Car jusqu’à présent, les espèces ayant échappé à l’extinction sont celles qui vivaient en altitude : leur habitat, plus frais, les protégeait des moustiques.
Mais le changement climatique réchauffe les îles, si bien que les insectes pénètrent les derniers bastions aviaires.
Le temps presse. Aussi depuis fin 2023, les associations regroupées sous le nom de Birds, Not Mosquitoes (“Des oiseaux, pas des moustiques”) ont libéré à Maui et Kauai plus de 40 millions de moustiques mâles.
“Ces introductions ont presque toutes été faites depuis des hélicoptères, ce qui permet d’envoyer les insectes dans ces zones forestières isolées où vivent les oiseaux.”
Cette opération de largage de moustiques n’est pas la première du genre.
Après avoir été développée à Melbourne, en Australie, elle a été déployée dans douze pays (notamment au Brésil et à Singapour) pour lutter contre la propagation de la dengue, du chikungunya et du virus Zika.

“L’idée est de continuer régulièrement, et pour une durée indéterminée, à réaliser des lâchers de moustiques dans les forêts où vivent les oiseaux en danger le plus critique, dont le kiwikiu (le psittirostre de Maui), l’akohekohe (la palmérie huppée) et l’akekee (le loxopse de Kauai)”, précise Vox.
Chris Farmer en est convaincu : “C’est notre dernière chance de sauver ce qu’il reste de nos oiseaux chanteurs.”—
Courrier International