La Réunion. Chikungunya : la campagne de vaccination bouleversée après un décès lié à des effets indésirables

« Si vous avez une insuffisance rénale, une insuffisance cardiaque, respiratoire, un diabète, une obésité, vous avez entre 18 et 65 ans, il est recommandé à l’heure où je vous parle de se faire vacciner », a réaffirmé dimanche sur France 3 le ministre de la Santé Yannick Neuder, à propos de la vaccination contre le chikungunya. Alors que La Réunion est confrontée à une importante épidémie de chikungunya - avec neuf décès recensés à ce jour - la campagne de vaccination, lancée le 7 avril sur l‘île et le 22 à Mayotte, a connu ce week-end un important coup de frein.
Trois événements indésirables graves (des symptômes similaires à ceux d’une forme grave de chikungunya) ont été recensés la semaine dernière, dont un décès, chez des personnes de plus de 80 ans présentant des comorbidités qui venaient d’être vaccinées avec le vaccin IXCHIQ. « Le lien de causalité avec le vaccin semble très vraisemblable », note le ministère de la Santé.
La Haute autorité de santé a alors estimé dans un avis actualisé vendredi qu’il était « nécessaire de réévaluer la balance bénéfices/risques du vaccin IXCHIQ chez les sujets âgés de 65 ans et plus ». Conformément à ses préconisations, les autorités sanitaires ont décidé samedi de retirer de la cible vaccinale les personnes de 65 ans et plus présentant ou non des comorbidités. Elle reste en revanche ouverte pour les personnes âgées de 18 à 64 ans présentant des comorbidités.
La campagne peut-elle, toutefois, se maintenir dans ces conditions ? « Souvent quand on parle de vaccination, les populations souhaitent et exigent que le vaccin soit 100 % sûr. Dès qu’on entend qu’il y a des cas d’effets secondaires graves et plus encore s’il y a un décès, alors ça réduit considérablement la confiance au vaccin voire génère une défiance massive contre la vaccination pour ce vaccin en particulier », constate Romy Sauvayre, sociologue des sciences et des croyances à l’Université Clermont Auvergne et au CNRS.
« Comment la dangerosité du vaccin n’a-t-elle pas été mieux évaluée ? Les Réunionnais ne sont pas des sujets d’expérimentation. C’est un véritable scandale qui se déroule sous nos yeux », s’est ainsi insurgée dans un communiqué diffusé sur X la sénatrice de La Réunion Evelyne Corbière. Sa collègue Audrey Bélim a réclamé une commission d’enquête parlementaire pour « faire la lumière sur les raisons de la grave erreur portant sur la vaccination des plus de 65 ans ».
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D’autres élus s’inquiètent de l’impact potentiel que cela pourrait avoir sur la confiance, déjà faible, des Réunionnais envers la vaccination. « Les croyances ont la vie dure. À partir du moment où ils entendent le mot mort, ça crée un risque plus important de se faire vacciner que de contracter la maladie. Ils vont réfléchir à cette balance et peut-être ne pas prendre le risque de se faire vacciner », estime Romy Sauvayre. La chercheuse se souvient que c’est ce qui s‘était passé lors de la pandémie de Covid avec le vaccin AstraZeneca : « il avait été retiré momentanément puis réintroduit pour une proportion de la population. Cela avait conduit à une si importante défiance contre ce vaccin que beaucoup ne souhaitaient pas être vaccinés avec celui-ci ».
Des avis scientifiques favorables au vaccin« On parle d’effets indésirables graves certes qui s’inscrivent dans une dynamique épidémique avec un impact important sur le système de santé, avec l’activation du plan blanc au CHU, avec malheureusement des décès observés et des séquelles. La vaccination dans l’urgence est toujours un équilibre entre utiliser un produit et continuer des essais cliniques », a rappelé de son côté lundi le Dr Grégory Emery, Directeur général de la Santé, lors d’un point presse à l’occasion du lancement de la Semaine européenne de la vaccination.
« Le vaccin IXCHIQ dispose de toutes les autorisations de mise sur le marché et des avis scientifiques qui permettent de l’inclure dans la stratégie vaccinale », a-t-il ajouté, se défendant de toute campagne de vaccination précipitée, même si « au moindre doute, on prend les décisions qui s’imposent ». Le vaccin IXCHIQ avait obtenu l’autorisation de mise sur le marché en juin 2024. L’avis de la Haute autorité de santé publié en mars, qui avait permis le lancement de la campagne de vaccination, mentionnait un vaccin « hautement immunogène » et faisait état d’un « profil de sécurité acceptable à ce jour », même si étaient rapportés « des effets indésirables qualifiés comme étant des effets indésirables semblables au chikungunya (« chik-like ») chez 12,1 % des participants ».
Alors que des professionnels de santé ont indiqué souhaiter que la vaccination soit également suspendue pour le reste de la population, la Direction générale de la Santé indique s’appuyer sur les recommandations scientifiques. « La HAS nous a invités à restreindre la population cible, pas à arrêter la campagne de vaccination », a précisé Grégory Emery, ajoutant que « bien évidemment, si dans les prochains jours ou semaines, d’autres informations étaient portées à notre connaissance, il pourrait aussi y avoir des révisions ».
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