La justice ordonne à la CPAM du Bas-Rhin de prendre en charge une mastectomie dans le cadre d’une transition de genre

Un homme trans, qui contestait en justice le refus de la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) du Bas-Rhin de prendre en charge sa mastectomie, a obtenu gain de cause, mercredi 14 mai, au tribunal de Strasbourg, une décision « inédite » en France selon son avocate.
Le pôle social du tribunal judiciaire de Strasbourg a ordonné à la CPAM de prendre en charge l’intervention chirurgicale de mastectomie bilatérale et la condamne à verser au requérant 3 000 euros de dommages et intérêts.
Les exigences posées par la CPAM au requérant – comme un certificat médical et un protocole d’accord préalables – « sont contraires aux dispositions combinées des articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme comme de nature à créer une inégalité d’accès à la santé en fonction de l’identité de genre », souligne aussi ce jugement.
La CPAM est reconnue coupable d’avoir commis une « faute » qui a « causé un préjudice direct et certain (au requérant) qui s’est vu imposer des délais supplémentaires conséquents et injustifiés dans un parcours de soins particulièrement long et complexe, l’obligeant ainsi à assumer une transition non achevée et en contradiction totale avec son nouvel état civil ».
« C’est la première fois qu’un juge français vient reconnaître le caractère discriminatoire du refus de la CPAM et l’atteinte à la vie privée. C’est inédit », s’est félicitée Me Laura Gandonou, l’avocate du requérant, auprès de l’Agence France-Presse (AFP).
« Je me sens très soulagé, reconnaissant. C’est une décision que j’attendais de longue date », a déclaré de son côté à l’AFP le requérant de 31 ans, qui souhaite rester anonyme. Il a espéré que « ça permette à d’autres personnes trans de moins subir de discriminations ».
Assigné à un sexe féminin à la naissance, il a commencé sa transition en 2017. D’abord une transition sociale, en l’annonçant à ses proches, puis une transition administrative avec un changement de prénom et d’état civil, enfin une transition médicale, avec la prise d’un traitement hormonal en juin 2022.
En raison de sa dysphorie de genre, il a déposé une demande d’affection longue durée afin de bénéficier d’une prise en charge totale de soins, notamment chirurgicaux. Mais il s’est vu opposer un refus partiel du médecin-conseil. Il a saisi la commission de recours amiable en novembre 2022, qui a refusé sa demande en janvier 2023. Il s’est alors tourné vers la voie judiciaire.
Plusieurs autres procédures en coursLors de l’audience, le 12 mars dernier au tribunal judiciaire de Strasbourg, la représentante de la CPAM avait fait valoir que la décision de la caisse se fondait sur un « avis médical », tandis que l’avocate du jeune homme, Me Gandonou, avait qualifié ce refus « d’abusif et mal fondé ».
L’avocate a souligné que le parcours de soins devait être le même pour les personnes transgenres et pour les autres, regrettant que des CPAM « créent des conditions surabondantes » pour obtenir le remboursement de soins liés à la transition de genre.
Me Gandonou défend huit autres personnes trans qui ont attaqué différentes CPAM devant la justice, à Lyon, Cahors, Bobigny, Toulouse et Grenoble. A Bobigny, où deux requérants ont attaqué la CPAM de Seine-Saint-Denis, la décision est attendue le 23 juin.
En mars, James Leperlier, président de l’Inter-LGBT, avait remarqué que « toutes les CPAM ne traitent pas la transidentité de la même manière ». « Beaucoup de personnes trans sont obligées de recourir à la justice pour obtenir gain de cause », avait-il déclaré, espérant que ces recours permettent d’apporter une clarification.
Le Monde avec AFP
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