États-Unis. Les « bébés carnivores » : c'est quoi cette tendance qui inquiète les professionnels de santé ?

Au diable les petits pots de légumes, compotes et autres substituts du lait maternel… Place à la viande, toute la viande, rien que la viande. Les « carnivore babies », comprenez « bébés carnivores », sont bien malgré eux devenus la dernière tendance sur les réseaux sociaux. Sur TikTok et Instagram, de nombreux parents américains vantent les mérites d’une alimentation exclusivement carnée pour leurs nourrissons, vidéos à l’appui. On peut y voir leur progéniture, souvent âgée de moins de deux ans, mastiquer à pleines dents des morceaux de poulet, côtes de bœuf ou encore gigot d’agneau, parfois à même l’os.
Et la pratique ne s’arrête pas là, ses partisans allant jusqu’à promouvoir des abats, de la graisse de bœuf et des steaks tartares dans l’alimentation de leurs enfants. Avec la volonté affichée de ne pas inclure la moindre trace de fruits, céréales ou légumineuses dans le régime, pour un développement supposé optimal du nourrisson. Les « bébés carnivores » seraient ainsi moins malades, plus précoces et plus dégourdis.
@derthorstoree Today I am eating big bones and carnivorous baby #self-eating
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Sur TikTok, une internaute dresse ainsi un bilan soi-disant dithyrambique de la méthode appliquée pendant six mois à son enfant : « Il accomplit des choses avant les autres bébés, n’est jamais constipé, n’a jamais eu besoin d’aller chez le docteur, n’a pas d’allergie, est fort et grand, très calme et heureux, marche avec assurance à 10 mois », liste-t-elle.
Avant de s’étendre aux plus jeunes, la diète dite cétogène avait d’abord fait des adeptes chez les adultes, notamment ceux souhaitant perdre du poids. L’avantage principal étant le faible apport en glucides et l’élimination des aliments riches en sucres et en calories. Certains assurent également mieux digérer et jouir d’une plus grande lucidité. Le dernier point relevant certainement d’un effet placebo, car une alimentation variée reste la condition sine qua non à un bon état de santé.
« Il n’y a aucun bénéfice à ne manger que de la viande », rétorque la diététicienne-nutritionniste Alexandra Murcier. « Il y a une perte de poids très rapide au début, mais une reprise de poids ensuite. C’est le principe des régimes hyperprotéinés. Et il y a un risque d’insuffisance rénale. Sur le long terme, une consommation trop élevée de viande augmente aussi le risque de cancer digestif, donc ce n’est pas forcément très intéressant. »
Ce qui n’est pas forcément très intéressant pour l’adulte peut être carrément nocif pour l’enfant. « Les besoins en protéines des enfants en bas âges ne sont pas très élevés. S’ils ont une alimentation exclusivement carnée, ça risque de poser des problèmes au niveau de la couverture des besoins en vitamines. Ils seront forcément carencés en certaines choses, en acides gras essentiels notamment, qui sont indispensables pour grandir et au fonctionnement de leurs corps », ajoute Alexandra Murcier. « Au-delà de ça, un apport en protéines trop élevé sur des petits enfants augmente aussi le risque d’obésité sur le long terme. »
Les autorités et professionnels de santé recommandent d’ailleurs de ne donner de la viande aux nourrissons qu’à partir de six mois, et à raison de 10 grammes par jour. Avant cela, le lait maternel ou infantile doit rester l’unique aliment, avec l’introduction progressive d’aliments solides - compotes, purées de légumes, céréales infantiles - autour de quatre mois. Tout le contraire de ce que prônent ces vidéos virales.
Maladies rénales, coronariennes, cardio-vasculaires…« Même un adulte ne devrait manger de la viande rouge que deux fois par semaine, environ 300 grammes », rappelle Alexandra Murcier. « La viande blanche, on peut en consommer un petit peu plus, mais il faut essayer d’alterner avec du poisson et des œufs. Idéalement, les personnes qui ne sont pas végétariennes devraient avoir un ratio de 50 % de protéines animales et 50 % de protéines végétales sur la semaine. »
Au risque de développer des carences nutritionnelles, un excès de graisses animales et même de sodium. Le tout pouvant amener des maladies rénales, coronariennes ou cardio-vasculaires. Ce qui n’est bon ni pour papa, ni pour maman, l’est encore moins pour bébé. D’autant que celui-ci est plus exposé aux risques infectieux de protéines animales peu ou pas cuites, et pour qui une alimentation totalement carnée entrave le développement d’un microbiote intestinal sain.
Le Républicain Lorrain