Comment aider un proche prisonnier d’une relation toxique?

Il peut s’agir de cet ami qui se dit simplement " trop sensible", mais qui encaisse depuis des mois des critiques déguisées en blagues sur son apparence ou ses choix de vie, lancées par sa partenaire. Ou de ce collègue, autrefois dynamique, qui ne prend plus jamais la parole en réunion, préférant s’effacer plutôt que de risquer une remarque cinglante de son manager. Ces scènes, banales en apparence, peuvent être des signes d’une relation toxique. Qu’il s’agisse d’amour, d’amitié ou de travail, elles sapent peu à peu l’estime de soi et isolent ceux qui en sont victimes.
Comment réagir quand on est témoin? Comment aider sans heurter, sans risquer de provoquer un repli ou un isolement encore plus grand? "Pour offrir un soutien véritable, il est essentiel de comprendre les mécanismes de l’emprise et de repérer les signaux d’alerte ", souligne la psychologue et psychothérapeute Lisa Letessier.
Les mécanismes insidieux de la relation toxiqueAvant tout, il est important de distinguer une relation toxique d’une simple période difficile au sein d’un couple ou d’une amitié. Selon Lisa Letessier, le premier élément à repérer, c’est la dévalorisation. "Lorsqu’un membre de notre entourage se retrouve régulièrement confronté à des propos rabaissants ou humiliants, même de façon subtile, il faut s’en inquiéter. Ce qui doit alerter, c’est la répétition de ces comportements."
Un autre signe révélateur est le sentiment d’emprise: "Au sein de cette relation, la personne peut se sentir empêchée d’exprimer ses émotions, ne plus oser parler ou demander certaines choses de peur de la réaction de l’autre", précise-t-elle. La manipulation s’ajoute souvent à ce tableau: "La personne toxique va faire croire à la "victime" qu’elle est trop sensible ou qu’elle invente des choses. Elle peut même nier des conversations entières pour semer le doute et miner sa confiance en elle. » Enfin, l’isolement est fréquent: " La personne toxique cherche souvent à éloigner son partenaire ou son ami de ses proches, parfois en provoquant des conflits qui n’existaient pas auparavant."
L’emprise, une spirale destructriceComme le souligne Lisa Letessier, cette domination peut entraîner une perte totale de confiance en soi, une dépression, voire un burn-out lorsque la situation se joue dans le milieu professionnel. " Sous l’effet de la dévalorisation répétée et de la manipulation, l’estime de soi s’effondre peu à peu, laissant place à un sentiment d’impuissance et d’isolement. Le stress devient omniprésent : la victime se sent piégée, incapable de partir, face à un partenaire qui use d’arguments ou de chantage pour la retenir." À force de craindre de déplaire ou de provoquer un conflit, la personne finit par s’éloigner de son entourage, coupée de ses repères habituels. "Dans les situations les plus graves, l’emprise peut mener à un état dépressif profond, voire à des symptômes de stress post-traumatique, surtout lorsque des violences psychologiques ou physiques sont présentes."
Et d’ajouter: " Selon le degré d’emprise, l’impact est considérable. Il peut bouleverser durablement la vie de la victime, affectant sa santé mentale, sa capacité à nouer de nouvelles relations et son rapport à elle-même."
Comment aider sans aggraver la situation?Lorsqu’on souhaite soutenir un être cher pris dans une relation toxique, il est crucial de mesurer l’ampleur de l’emprise exercée. Selon Lisa Letessier, il faut "éviter d’y aller frontalement, car l’autre peut se braquer". Il est préférable d’adopter " une posture d’écoute bienveillante, sans jugement: poser des questions ouvertes, proposer un espace de parole où l’autre se sentira libre d’exprimer ses doutes et ses ressentis". Concrètement, il vaut mieux demander : " Comment tu te sens dans cette relation ? ", "Comment puis-je t’aider?" et bannir les phrases accusatrices comme : " Tu dois absolument le quitter ! ", " Je ne comprends pas comment tu peux rester ", " C’est évident que cette personne te manipule ". Parfois, il vaut mieux que le dialogue vienne d’un ami ou d’un collègue moins impliqué émotionnellement, pour éviter que la personne ne se sente acculée. Il est aussi utile de vérifier ses impressions auprès d’autres proches pour ne pas porter seul le poids de l’inquiétude. "Si la souffrance devient trop grande, encourager le recours à un professionnel peut aider la victime à comprendre l’emprise et à se reconstruire."
Enfin, il faut bien comprendre que sortir d’une relation toxique prend du temps: "Garder le lien, rester disponible, soutenir sans pression, c’est souvent la meilleure façon d’aider un proche, même si l’on se sent parfois impuissant."
Var-Matin