Un tiers des agences d’État menacées de suppression : la nouvelle offensive de Bercy contre la fonction publique

Elles sont nombreuses, et pour la plupart essentielles à la mise en œuvre des politiques publiques sur le territoire. Parmi elles, on trouve l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), le CNRS, Météo France, l’OFB (Office français de la biodiversité) ou encore les ARS (agences régionales de santé). Un tiers de ces agences et opérateurs de l’État pourrait être supprimés ou faire l’objet de fusions « d’ici à la fin de l’année », a annoncé ce dimanche Amélie de Montchalin, la ministre des Comptes publics, invitée sur le plateau de CNews et Europe 1.
Un nouveau coup de poignard dans la fonction publique qui s’inscrit dans le cadre du projet de loi de finances et du budget 2026. Pourtant, le butin escompté est bien maigre : le gouvernement espère, par cette opération, récupérer 2 à 3 milliards d’euros sur les 40 à 50 milliards qu’il entend économiser au nom de la lutte contre le déficit budgétaire de la France.
Engagée par la droite et l’extrême droite, la course au sabrage des agences avait déjà fait rage à l’Assemblée nationale, au début du mois d’avril, à travers le projet de loi de simplification porté par le ministre de la Fonction publique Laurent Marcangeli, qui considère que « notre pays est obèse de sa bureaucratie ». S’ils ont finalement été épargnés lors du vote du texte, près de 150 agences et opérateurs d’État étaient menacés de suppression au début de l’examen des amendements.
« C’est un présupposé idéologique : moins d’État, moins de régulation conduirait à plus d’efficacité, résumait le député GDR Emmanuel Maurel à l’Humanité au moment des débats dans l’Hémicycle. En réalité c’est la continuité de la politique de l’offre pour la Macronie, avec la bénédiction du Medef. »
« Certaines suppressions étaient proposées complètement à l’aveuglette, sans qu’il n’y ait aucune étude d’impact, et de manière totalement idéologique, abonde Manon Meunier, députée LFI. C’est un logiciel trumpiste très dangereux, car la plupart de ces organismes font contre-pouvoir au gouvernement, apportent des avis scientifiques et portent une égalité de services publics sur le territoire. »
Un exemple criant : la Commission nationale du débat public (CNDP), que l’exécutif veut soit vider de sa mission, soit liquider. L’organisme fait office de médiateur, sur le terrain, dès lors qu’un projet industriel doit se développer et impacter l’environnement et les populations : réacteurs nucléaires, autoroutes, projets miniers, etc. Si la CNDP n’est pas parfaite, sa suppression aurait pour conséquence d’annihiler les débats locaux et d’ouvrir un boulevard aux projets industriels, débarrassés du devoir de concertation, jugé encombrant.
L’offensive du gouvernement contre les organes de la fonction publique rejoint, du reste, les obsessions des cadres du Rassemblement national : déjà en octobre 2023, le parti d’extrême droite avait dressé une liste de 80 agences et opérateurs jugés inutiles. Parmi eux, l’Office français de l’immigration et de l’intégration ou encore l’Office français de la biodiversité, également ciblé par Laurent Wauquiez, patron des députés LR, au mois de février et par la droite sénatoriale au mois d’avril.
Or, explique l’insoumise Manon Meunier, l’OFB est déjà le produit d’une fusion « faite à la va-vite » en 2020 entre l’Agence française de la biodiversité et l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, deux organismes aux fonctions antinomiques. « C’est l’exemple d’une fusion qui s’est très mal passée, évoque la députée LFI. Il y a eu des suicides d’agents, et aujourd’hui, c’est un outil qui est moins fonctionnel sur le terrain parce que ce sont deux missions qui n’allaient pas ensemble. »
La ministre chargée des Comptes publics ne s’est pas encore risquée à dévoiler publiquement les agences et opérateurs susceptibles de fusionner ou d’être supprimés par le gouvernement. Elle a seulement cherché à rassurer en excluant les universités du périmètre des structures menacées. Amélie de Montchalin a indiqué que de nouvelles annonces auraient lieu à la mi-mai, au moment de la commission d’enquête sur les missions des agences, opérateurs et organismes consultatifs de l’État qui s’ouvrira au Sénat. Au total, selon le ministère des Finances, la saignée pourrait concerner quelque 450 agences ou opérateurs, ce qui représente 180 000 emplois.
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