Rentrée politique : en plein brouillard, Élisabeth Borne maintient le cap… en évitant soigneusement de parler budget

Il y avait du vent, ce mercredi 27 août, dans le jardin du ministère de l’Éducation nationale. Du vent dans les branches du platane chéri par le ci-devant Jean-Michel Blanquer, et du vent dans les paroles de la ministre Élisabeth Borne, qui tenait là sa conférence de presse de rentrée – la première, et probablement la dernière, au vu du contexte politique.
Elle a tout simplement balayé d’un revers de main les questions qui fâchent : « L’heure n’est pas à parler du budget 2026 » s’est ainsi entendu répondre la malheureuse journaliste qui s’aventurait à insister sur le sujet. Comme si l’efficacité des mesures que la ministre s’apprêtait à dérouler n’avait aucun lien avec les moyens que la nation entend y consacrer…
Élisabeth Borne a préféré répéter que « depuis 2017, le budget de l’Éducation nationale a progressé 16 milliards d’euros », en omettant de préciser que cette augmentation est, en quasi-totalité, due à la hausse mécanique des rémunérations découlant de l’ancienneté.
Passés sous silence également, les postes supprimés en cette rentrée, au prétexte de la baisse démographique dans le primaire. Et puis, en ramenant les concours de recrutement au niveau bac + 3, la réforme de la formation initiale des enseignants suffira à résoudre la grave crise d’attractivité du métier. Fermez le ban.
Et après avoir rappelé que « rien n’est possible sans une école qui protège » et qui soit à la fois « un lieu de savoir et de bien-être », elle a dû reconnaître assez piteusement que les recrutements de personnels médico-sociaux (infirmiers, médecins, assistants sociaux, psychologues), promis en mars lors des Assises de la santé scolaire, étaient tout sauf acquis.
Il est bien établi que la politique éducative mise en œuvre depuis 2017 consiste à tout faire pour affaiblir au maximum l’école publique, afin d’offrir une place toujours plus grande au secteur marchand – et cela au prix d’une explosion terrible des inégalités socio-scolaires. Élisabeth Borne ne sort surtout pas de cette ornière. Mais il faut lui accorder une capacité à aménager à la marge ce qui se voit le plus.
Le fiasco du « parcours diversifié » (entre stages ou préparation à la poursuite d’études) au lycée professionnel se voit trop ? Les examens terminaux du bac pro, avancés au mois de mai, seront reculés de deux semaines, et la partie « diversification » ramenée à quatre semaines au lieu de six.
De même, parmi la valse frénétique des six ministres qui se sont succédé rue de Grenelle depuis mai 2022, elle sera la première à reconnaître, à demi-mot, les ravages du contrôle continu au bac : il faut le « repenser pour diminuer la pression et l’anxiété » qu’il provoque chez les élèves.
Charge au proviseur de chaque lycée d’établir, en concertation avec les représentants des enseignants, des parents et des élèves, un « projet d’évaluation » censé en rééquilibrer les effets. Au même chapitre, on constate que le brevet des collèges obligatoire pour l’entrée en seconde, l’extension des groupes de « groupes de besoins » aux classes de 4e et 3e ou la généralisation des classes « Prépa seconde », tous ces piliers du « choc des savoirs » de Gabriel Attal, tout cela passe à la trappe ou est mis en stand-by.
Reste que reconnaître très partiellement les échecs des coups de boutoir de ses prédécesseurs ne suffit à esquisser les contours de la politique scolaire ambitieuse, dont les jeunes Français ont tant besoin pour bâtir leur avenir et du même coup, celui de la nation. Pour cela, outre écouter pour de bon les professionnels, les familles, les élèves, il faut être capable de mettre en face les moyens nécessaires à cette ambition. On finit toujours par revenir au budget…
L'Humanité