Qu’est-ce que le «vote de confiance» annoncé par François Bayrou pour le 8 septembre ?

Selon François Bayrou, il s’agira de trancher la «question centrale» de «la maîtrise de nos finances». Le Premier ministre a indiqué, ce lundi 25 août, avoir «demandé au président de la République de convoquer l’Assemblée nationale en session extraordinaire le 8 septembre» en vue «d’engager la responsabilité du gouvernement sur une déclaration de politique générale». L’annonce est intervenue au cours d’une conférence de presse de rentrée, qui avait pour objet de répondre aux nombreuses interrogations sur la cure d’austérité présentée le 15 juillet.
Si les députés renouvellent leur confiance au gouvernement, a ensuite exposé François Bayrou, le vote «consacrera» ainsi le principe de son plan d’économies budgétaires – un «effort» chiffré à près de 44 milliards d’euros de réduction du déficit public du pays. C’est seulement après un tel scrutin, estime le Premier ministre, que pourra avoir lieu «la discussion» sur «chacune des mesures de ce plan d’urgence». A l’inverse, sans adhésion de l’Assemblée, il considérera que «l’action» est «impossible». «S’il n’y a pas cet accord minimal, ça ne sert à rien, on n’y arrivera pas», a-t-il martelé.
Le recours à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution, par lequel le gouvernement engage sa responsabilité sur le vote d’un texte, s’est généralisé ces dernières années. Mais il n’est pas question, pour le moment, de déclencher cet outil. François Bayrou use d’une autre faculté que lui offre le même article, à l’alinéa premier. Cette disposition permet au Premier ministre, «après délibération du Conseil des ministres», d’engager «devant l’Assemblée nationale la responsabilité du gouvernement sur son programme ou éventuellement sur une déclaration de politique générale».
Avec pour conséquence très directe, comme le dispose l’article suivant, de faire tomber le couperet si l’Assemblée désapprouve la déclaration de politique générale. Dans ce cas, le Premier ministre se trouve obligé de «remettre au président de la République la démission du gouvernement», impose l’article 50.
En pratique, il incombe à la conférence des présidents de l’Assemblée d’organiser le débat, prévoit le règlement de la Chambre basse du Parlement. Il lui revient de répartir le temps de parole, qui doit être «attribué pour moitié aux groupes d’opposition», en conservant «un temps minimum de cinq minutes» pour «un député n’appartenant à aucun groupe». Les dernières minutes sont réservées à l’exécutif, lui permettant de «répondre aux orateurs qui sont intervenus». A l’issue du débat, les différents groupes politiques peuvent encore prendre la parole, afin de se livrer à des explications de vote.
Le vote a lieu par scrutin public : un à un, les députés sont appelés à la tribune, pour que leurs bulletins soient placés dans l’urne. Dans le cadre du 49.1, la règle est celle de la majorité absolue des suffrages exprimés. Autrement dit, pour faire tomber le gouvernement, il suffit que plus de la moitié des votants se prononce contre son programme. L’article protège donc moins l’exécutif que le 49.3 qui, lui, requiert la majorité absolue des membres de l’Assemblée (au moins 289 députés).
Depuis le début de la Ve République, l’article 49.1 a été utilisé en tout 41 fois. Une fois nommé, le gouvernement n’est pas tenu d’engager sa responsabilité devant l’Assemblée. La pratique entre 1958 et 1993 a montré que les Premiers ministres ont toujours considéré cette faculté comme optionnelle : certains y ont notamment renoncé parce qu’ils ne disposaient pas d’une majorité absolue à l’Assemblée. Après 1993, quasi tous les gouvernements ont sollicité l’approbation des députés dans les jours suivant leur nomination, mais le dernier vote de confiance remonte à juillet 2020, après l’arrivée de Jean Castex à Matignon. Plusieurs gouvernements ont aussi eu recours au 49.1 dans le cours de leur existence, pour répondre à des circonstances particulières, à l’instar de Michel Rocard en 1991. Le Premier ministre avait alors sollicité la confiance de l’Assemblée sur sa politique au Moyen-Orient, en plein déclenchement de la guerre du Golfe. Alain Juppé l’a imité en 1995 pour valider sa réforme de la Sécurité sociale.
La confiance a toujours été votée jusque-là. Si François Bayrou échouait à obtenir l’accord des députés sur le principe de son plan de rigueur, il serait l’unique Premier ministre, sous la Ve République, à avoir fait chuter son gouvernement sur ce fondement. Le pays n’a plus connu pareil renversement depuis 1955, lorsque l’Assemblée avait désavoué l’exécutif dirigé par Pierre Mendès France.
Libération