Chems-Eddine Hafiz, dernier trait d’union entre Alger et Paris

Son prénom signifie «lumière» en arabe, mais on ne peut pas dire que cela ait aidé à maintenir le courant entre les autorités françaises et algériennes. Chems-Eddine Hafiz est le dernier trait d’union entre Paris et Alger alors que les deux capitales n’en finissent pas de se déchirer et que l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal reste détenu sans raison en Algérie ainsi que le journaliste français Christophe Gleizes.
Recteur de la Grande Mosquée de Paris, cet ancien avocat a longtemps su s’y prendre pour garder les faveurs tout à la fois d’Emmanuel Macron et du président algérien Abdelmadjid Tebboune. Ses réseaux, ses paroles et ses actes en faveur de la réconciliation entre la République et l’islam, son discours anti-islamiste en faisaient l’intermédiaire idéal entre deux pays qui peinent à se retrouver sur leur mémoire. Il n’y a rien à faire, le passé colonial de la France ne passe pas en Algérie (et en France dans certains milieux non plus), et on ne peut pas dire que Paris y mette beaucoup du sien. Cette méfiance, ces rancœurs, ces non-dits entre les deux capitales, Chems-Eddine Hafiz est parvenu à les apaiser jusqu’à une date récente, notre enquête le raconte avec beaucoup de détails inédits.
Mais quelque chose s’est cassé. Sans doute un lien avec l’attaque terroriste du 7 Octobre, que cet ambassadeur officieux d’Alger a mis du temps à condamner. Et puis la reconnaissance par Paris de la marocanité du Sahara-Occidental – tabou ultime pour Alger –, la détention scandaleuse de Sansal que la France, malgré tous ses efforts, n’est pas parvenue à abréger, les coups de menton du ministre français de l’Intérieur, Bruno Retailleau, qui se rêve en président et n’en finit pas de montrer Alger du doigt pour le plus grand bonheur de la droite et de l’extrême droite, ont achevé de détériorer la relation. Emmanuel Macron, cette semaine, a enfoncé le clou en annonçant un durcissement des mesures diplomatiques et économiques. Chems-Eddine Hafiz n’a jamais été aussi utile (d’autant que le véritable ambassadeur a été rappelé à Alger)… à moins qu’il soit devenu définitivement inutile.
Libération