Société. Une heure ou deux de temps en temps : le bénévolat « à la carte » en plein essor

La crise sanitaire du covid-19 a montré que l’engagement bénévole était fragile et pouvait s’effondrer en quelques semaines. Les Français ont depuis renoué avec l’associatif dans des proportions similaires, mais ils sont de plus en plus nombreux à préférer des missions ponctuelles et peu contraignantes, facilitées par des plateformes numériques de mise en relation.
« J’anime un running inclusif » à Strasbourg, « Je joue de la musique dans un Ehpad » à Lyon, « Je témoigne de mon métier et de mon parcours » à Valence… Ces missions, qui demandent 1 à 2 heures de temps maximum, sont quelques exemples parmi les centaines proposées sur la plateforme « Je veux aider ».
Créé par le ministère de la Jeunesse et des Sports il y a cinq ans en pleine crise Covid, le site met en lien des associations avec des besoins (14 000 à ce jour) et des volontaires avec des envies d’aider (680 000). Résultat : il y a eu plus de 235 000 “matchs” en 2024, dont près de la moitié pour des missions ponctuelles. Ce bénévolat de circonstance n’est pas nouveau, mais il séduit de plus en plus.
La plateforme prône d’ailleurs ce “non-engagement” sur sa page d’accueil : « Vous avez le droit de changer d’avis pour trouver l’association qui vous correspond ! Rien ne vous oblige à devenir bénévole sur le long terme ».
Le parallèle avec les applications de rencontre est tentant. « Les associations s’adaptent à l’évolution des besoins où de moins en moins de personnes veulent s’engager comme une vocation », souligne Benjamin Richard, responsable du développement de la plateforme au ministère, qui laisse la main directement aux associations pour créer des annonces.

La plateforme "Je veux aider" comporte de nombreux critères de sélection, dont la fréquence de l’engagement qui peut se réduire à quelques heures par mois ou quelques jours. Capture d’écran « Je veux aider »
C’est en partant du même constat qu’Atanase Périfan, le créateur de la Fête des voisins, a lancé « L’heure civique » en 2022. Cette autre plateforme numérique met en lien des mairies (210 à ce jour) et des Départements (5) avec des « volontaires » (20 000) pour des missions ponctuelles d’une heure. Ici, les termes « bénévole » et « engagement » ont carrément été bannis.
« Ce sont des mots qui font peur aujourd’hui, estime Atanase Périfan qui a aussi fondé l’association « Voisins solidaires ». Pourtant, il y a un gisement de générosité. Les gens ne veulent pas avoir un fil à la patte, on veut les rassurer. Ils peuvent partir un mois dans leur maison de campagne. »
En chiffres
- Environ 12 millions de Français sont investis dans une association en 2025, soit 21 % de la population. C’est un peu moins qu’en 2019 (13 millions, 24 %) mais mieux qu’en 2022 (11 millions, 20 %).
- Les territoires ruraux connaissent un désengagement plus marqué que les milieux urbains, ce qui accentue les inégalités territoriales.
- Le bénévolat régulier mais limité à quelques heures par mois progresse sur toute la période, passant de 30 % en 2013 à près de 35 % en 2025.
- 80 % des bénévoles ponctuels reviennent toujours dans la même association.
Source : 6e Baromètre de France bénévolat réalisé avec l’Ifop et le soutien du Crédit mutuel (auquel appartient votre journal)
Ces plateformes peuvent être un début : « un tiers des bénévoles de « Je veux aider » n’avaient jamais fait de bénévolat avant », précise Benjamin Richard, dont la plateforme a mobilisé 12 000 personnes à l’occasion de la dernière collecte nationale en date de la Banque alimentaire. Et ces actions ponctuelles ne sont pas non plus une fin en soi : « 85 % de ceux qui participent à une mission ont envie d’en faire d’autres, poursuit le développeur. Certains ont envie de s’investir sur le plus long terme, c’est une porte d’entrée. »
Atanase Périfan conçoit d’ailleurs « L’heure civique » dans la « complémentarité » avec le bénévolat plus classique. « 20 % des volontaires de notre dispositif deviennent bénévoles au bout d’un an », souligne celui qui a déjà converti La Motte-Servolex (Savoie). Et les 173 000 heures civiques qu’il a identifiées sont sûrement bien plus nombreuses. « Une fois que le contact est établi entre un habitant proche et une personne âgée dans le besoin, l’entraide continue souvent sans la plateforme », se réjouit l’entrepreneur, lui-même bénévole.
D’autres associations, plus anciennes, font aussi de la mise en relation au niveau national comme « France Bénévolat » ou « Tous bénévoles », créées en 2003. François Bouchon, président de France Bénévolat nuance : « Les plateformes numériques sont devenues un outil indispensable, pour autant un contact humain est important quand il s’agit de s’engager en tant que bénévole pour une mission ».
Le Journal de Saône-et-Loire