Neppe et Gerlinger : «J'ai passé presque plus de temps avec lui qu'avec ma femme»
Le rendez-vous n'a pas été très difficile à organiser, puisqu'ils adorent se parler et n'allaient certainement pas manquer une si belle occasion, alors que leurs deux clubs se rencontrent ce mercredi soir (21h05). Surpris (et heureux) de voir débarquer en L1 son ami Marco Neppe (39 ans) il y a quelques semaines, Michael Gerlinger (52 ans) s'est chargé de convaincre son compatriote. Le nouveau directeur sportif du PFC a accepté l'échange de bon coeur, en mémoire des neuf ans passés auprès du directeur général lyonnais au Bayern Munich, de 2014 à 2023. En anglais, les deux dirigeants allemands ont ravivé leurs souvenirs, tout en posant un regard neuf sur le football français.
« Comment vous êtes-vous rencontrés ?Michael Gerlinger : Marco, tu as rejoint le club en 2014, n'est-ce pas ? Nous venions d'engager Michael Reschke comme directeur technique, il est venu avec un jeune homme étrange prénommé Marco. Michael avait son bureau à côté du mien. Donc, en gros, je vivais avec Michael et avec Marco. Ils formaient un duo indissociable. Tous deux sont originaires d'une région d'Allemagne où les gens sont très ouverts, très sympathiques et très bavards. C'était très animé !Marco Neppe : C'est le début de l'histoire. J'ai très vite fait ta connaissance et notre collaboration était extrêmement importante en ce qui concerne le recrutement. J'étais un ancien joueur, je venais du foot et ton expertise a été d'un énorme soutien.
Jusqu'à devenir amis ?M.N. : Cela a duré neuf ans, ça crée des liens. On a célébré les victoires, les titres, on a souffert ensemble... J'ai passé presque plus de temps avec Michael qu'avec ma femme (Rires.) On a fini par nouer une relation de confiance et d'amitié très forte. Qui continue alors qu'on ne travaille plus ensemble.
« Je n'ai jamais vu quelqu'un avoir autant de convictions en matière de recrutement et les mettre en pratique. C'est impressionnant »
Quelles sont les qualités que vous appréciez l'un chez l'autre ?M.G. : Je n'ai jamais vu quelqu'un avoir autant de convictions en matière de recrutement et les mettre en pratique. C'est impressionnant. Marco a toujours été un moteur. On est devenus amis car on a vécu des moments professionnels incroyables, comme pour les signatures d'Alphonso Davies ou de Benjamin Pavard. On a voyagé ensemble à Vancouver, à Moscou... Et c'est Marco qui s'occupait toujours de tout. Il ne lâche pas prise. Davies, nous ne l'aurions jamais recruté sans Marco. Non seulement il l'a découvert, mais il a aussi mobilisé tout le monde pour mener à bien cette opération. Je me souviens que beaucoup de gens me disaient : "Comment un Canadien peut-il jouer au football ?"M.N. : Ce que j'ai le plus apprécié c'est que parfois, lors des négociations, j'avais l'impression de savoir ce que Michael allait dire avant même qu'il ne s'exprime. On était connectés. Il savait exactement comment nous devions avancer pour parvenir à un résultat.
« Je suis heureux d'être ici en France. Et c'est sympa de voir Michael dans un autre club »
Aviez-vous imaginé, après avoir quitté le Bayern, vous retrouver tous les deux dans des clubs de L1 ?M.G. : Je n'aurais déjà jamais pensé devenir PDG de l'OL quand je suis arrivé, car j'étais dans un rôle complètement différent au départ, avec le développement des joueurs, le Brésil... Quand j'ai vu les nouvelles concernant Marco, j'ai été totalement surpris, car l'un des pays que je n'avais absolument pas envisagé pour lui était la France. Je pensais plus le retrouver en Angleterre ou en Espagne.M.N. : Mais je suis certain d'avoir pris la bonne décision. Je suis heureux d'être ici en France. Et c'est sympa de voir Michael dans un autre club.
Le football français traverse une crise. Quelles sont vos idées pour remédier à cette situation ?M.N. : Le football français traverse une période difficile, mais il a aussi de grandes chances de s'en sortir. Il y a des choses que nous pouvons améliorer... Mais ce que je veux dire, c'est que l'attrait principal du football, ce sont les joueurs, et c'est ce que nous avons, à Lyon et au Paris FC, à un très haut niveau. La qualité et la quantité de joueurs talentueux ici en France sont fantastiques. C'est sur cela que nous devons nous concentrer.M.G. : C'est vrai que lorsque je suis arrivé, d'autres dirigeants étrangers travaillant en France, comme Pablo Longoria, m'ont dit la même chose : le football français est bien meilleur que ce que pensent les gens à l'étranger, et peut-être même meilleur que ce que pensent les Français eux-mêmes. Bien sûr, il y a des problèmes comme la situation des droits télé, mais le football français devrait être mieux apprécié.
La formation est-elle la clé du succès ?M.N. : C'est même notre projet principal ici au PFC. Nous nous y consacrons pleinement et c'est absolument essentiel pour nous.M.G. : Oui et pour moi, il faut aussi développer un deuxième aspect, le scouting. Je suis toujours surpris de voir des clubs qui n'investissent pas dans là-dedans, car au final, il y a deux piliers : le centre de formation et le recrutement des meilleurs talents, un domaine dans lequel Marco a particulièrement réussi à Munich.
Pendant le mercato cet été, avez-vous eu des vues sur les mêmes joueurs ?M.G. : Oui. Je pense que nous avions des objectifs similaires. Nous n'en avons pas discuté. Nous étions sur le même joueur et je pense qu'il est facile de deviner qui c'est (les deux se marrent, sans évoquer Pierre Lees-Melou).M.N. : Il est là. On est contents. Il n'y a pas grand-chose à dire. Il est chez nous. Fin de l'histoire (Sourire.)
« Michael exagère toujours un peu sur mon rôle (Sourire.) Arriver à recruter des joueurs, c'est toujours un travail d'équipe, avec une participation souvent invisible de la part des personnes concernées »
Quel a été le joueur le plus difficile à convaincre quand vous travailliez ensemble ?M.N. : Le plus important dans le recrutement de joueurs, c'est de trouver les bons arguments pour les convaincre du projet que nous avons en tête...M.G. : (Il coupe.) J'en ai un, Marco. C'était même ton chef-d'oeuvre : Leon Goretzka. Nous avions un rendez-vous à Düsseldorf et toi tu étais à l'étranger. Tu étais en retard à la visio... J'étais avec Hasan Salihamidzic (directeur sportif du Bayern de 2017 à 2023) et le problème, à ce moment-là, c'est que nous n'avions pas d'entraîneur. Comment convaincre un joueur sur le projet sportif si vous n'avez pas d'entraîneur ? Je me disais : "J'espère que Marco va se connecter..." Et puis tu es arrivé et tu as immédiatement parlé à Leon de ses points forts mais aussi de ce qu'il devait améliorer. Leon a été très impressionné. Il s'est rendu compte que tu savais tout sur lui. Il a signé sans même savoir qui serait son coach !M.N. : Michael exagère toujours un peu sur mon rôle (Sourire.) Arriver à recruter des joueurs, c'est toujours un travail d'équipe, avec une participation souvent invisible de la part des personnes concernées. Michael a été d'un soutien incroyable. Avec ses qualités d'analyse dans une discussion, sa compréhension du football et du business, son expertise dans tous les aspects techniques liés aux contrats, je savais qu'il y avait quelqu'un à mes côtés qui allait trouver un ou deux derniers arguments.M.G. : Il y a eu Mathys Tel à Rennes aussi ! J'ai rencontré Olivier Cloarec (ancien président de Rennes, aujourd'hui à la tête du TFC) et nous en avons discuté. Marco faisait une vente au même moment dans la même pièce en parlant une autre langue. Les langues, c'est mon domaine (il en parle 5). J'étais avec Olivier, toujours en français pour Mathys, et Marco parlait en anglais avec un autre président de club pour vendre un joueur. Et nous en allemand entre nous, au même moment, dans la même pièce. C'était fou de vivre ça. »
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