« Je suis traumatisé » : la lutte de Jordan Jegat pour accrocher un top 10 au général du Tour de France 2025

Frigorifié, exténué, Jordan Jegat a attendu qu'on lui enfile trois ou quatre couches supplémentaires avant de prendre rapidement la parole pour débriefer une journée en « enfer », jeudi soir. Et ses yeux ne se sont illuminés que lorsqu'un confrère lui a indiqué une distance plus courte qu'il ne l'imaginait pour la descente à vélo jusqu'au car de son équipe TotalEnergies, dans le brouillard et la grêle frappant le sommet de la Loze.
« C'était à fond toute la journée, je suis vidé, sans énergie... », résumait le Breton. L'aube avait plutôt été joyeuse, le malheur de Carlos Rodriguez (Ineos Grenadiers, contraint d'abandonner pour une fracture du bassin) faisait son bonheur en lui permettant d'entrer dans le top 10 du classement général avant le départ de la 18e étape, considérée comme la reine de ce Tour de France.
« Je me suis peut-être surestimé. Je l'ai payé, je m'en suis jamais remis, j'ai subi toute la journée »
Se sentant pousser des ailes, Jegat avait donc tenté de prendre à contretemps l'échappée de quelques concurrents du général comme Primoz Roglic (RedBull-Bora) et Felix Gall (Decathlon-AG2R La Mondiale) dans le Glandon, premier des trois cols hors catégorie au programme. « Je me suis peut-être surestimé, regrettait-il plus tard. Je l'ai payé, je m'en suis jamais remis, j'ai subi toute la journée. »
L'explosion du contrecoup était immédiate dans le col de la Madeleine. Repris par le groupe Maillot Jaune, puis par Kévin Vauquelin (Arkéa-B&B Hotels), avec qui il a réussi à limiter la casse pour basculer à moins de deux minutes du groupe Oscar Onley (Picnic-PostNL) et recoller au groupe Pogacar-Vingegaard dans la vallée, au pied de la Loze. « J'ai résisté toute la course, le rythme était effréné. À 25 km de la ligne, je me suis dit que ça allait déjà être très long... C'était une bataille contre moi-même. »
Jegat fut coriace pour ne pas perdre trop gros, isolé dans la montée. À 26 ans, le puncheur se découvre encore, notamment sur des ascensions aussi longues. « On ne sait pas exactement de quoi il est capable », confie avec curiosité son directeur de la performance, Maxime Robin. À l'instar de Vauquelin, le coureur de TotalEnergies s'était plutôt illustré par ses qualités de puncheur depuis quelques années. Avec un programme dessiné pour scorer : des courses provençales du début de saison aux classiques ardennaises, en passant par quelques manches de Coupe de France.
Cette édition particulière du Tour a révélé une résistance épatante sur plus de deux semaines et demie et s'il a bien plié jeudi, Jegat n'a pas totalement rompu. Avec sa victoire d'étape, Ben O'Connor (Jayco-AlUla) lui a repris plus de onze minutes et chipé sa 10e place. Trois minutes et trente-deux secondes les séparent désormais au général, mais au sein de la formation vendéenne, on ne désespérait pas de voir O'Connor subir un contrecoup, à son tour, au cours de l'exigeante 19e étape.
De son côté, Jegat a compris que la lutte pour le général était une affaire de gestion. « Demain (vendredi) je partirai dans lesroues, soufflait-il à la Loze. Je n'attaquerai pas, je suis traumatisé. » Une leçon violente, mais importante.
L'Équipe