Comment Coco Gauff s'est imposée en icône de mode
Pour sa première finale disputée Porte d'Auteuil, le 7 juin dernier, Coco Gauff pénétrait sur le court Philippe-Chatrier vêtue d'un perfecto en cuir, mine à la fois déterminée et sereine. Les deux heures et quarante minutes suivantes face à Aryna Sabalenka confirmaient l'impression : à 21 ans, Gauff enrichissait son étagère à trophées d'un second titre du Grand Chelem après l'US Open 2023. À l'issue d'un match plein de suspense, l'actuelle numéro 3 mondiale assumait son statut en citant un vers du rappeur star Tyler, the Creator. « Si je vous ai dit que j'étais traversé par le doute, j'ai menti. »
Plonger dans le dressing des sportifs est parfois décevant, tous ne s'y intéressant pas autant qu'à leur sport. C'est tout à fait l'inverse avec Coco Gauff. Plus on s'y plonge, plus les infos fourmillent. Entre ses deux centres d'intérêt, Coco Gauff a décidé de ne pas choisir et cela se sent. Bien sûr, les équipementiers recherchent souvent le coup d'éclat lorsqu'ils dessinent les tenues de leurs stars. Avec l'Américaine, cela fonctionne et tout sonne juste. Les ouvertures dans le dos, la découpe de la jupe et les chaussettes à liseré arborés sur la terre de Roland-Garros. La robe immaculée sur-mesure composée d'un corset brodé portée quelques semaines plus tard pour son seul match (perdu en deux sets face à l'Ukrainienne Dayana Yastremska) disputé à Wimbledon.

La semaine dernière, sur le ciment de Cincinnati (défaite en quarts de finale face à l'Italienne Jasmine Paolini), la joueuse a opté pour les pièces aux accents seventies (robe plissée, couleurs) réactualisés (crop top) issues de la récente collaboration entre New Balance et Miu Miu.
En tennis, il arrive que des tenues de jeu soient audacieuses, mais c'est souvent du seul fait de l'équipementier. Pas avec Gauff. La joueuse formule toutes ses envies lors d'une réunion annuelle avec New Balance baptisée « Vision Meeting ». « J'apprécie que mes centres d'intérêt puissent intervenir dans mes tenues », confiait-elle dans son interview post-victoire au 3e tour du dernier Open d'Australie.
C'est loin d'être le cas de tous les joueurs et joueuses du circuit. Bien malin qui pourrait distinguer avec précision les styles de Jannik Sinner et Carlos Alcaraz par exemple, tous deux ambassadeurs Nike, et chez lesquels seuls varient quelques menus détails et couleurs. Les deux nouveaux géants du circuit mondial arborent d'ailleurs souvent le même polo une fois leur match terminé. Gauff, elle, glisse beaucoup d'elle-même dans ses choix. La preuve avec ce perfecto Vanson (marque réputée pour ses cuirs de motards) ou ces superpositions dans la tenue manches longues portée lors de son quart parisien contre Madison Keys : il y a du plaisir, des clins d'oeil, et un point de vue.
C'est ce qui la distingue, encore une fois, d'un Sinner, entré, on s'en souvient, sur le court Central de Wimbledon en 2023 avec un sac monogrammé Gucci. L'Italien n'ayant pas montré plus d'intérêt que cela pour la chose vestimentaire depuis, on est en droit de penser qu'il s'agissait alors surtout d'une opération de communication de la part de la maison de luxe italienne. L'approche de Coco Gauff ressemble davantage à celle de ses compatriotes Serena Williams et Andre Agassi, qui, en leur temps, se sont beaucoup amusés à chahuter les codes d'un sport notoirement policé.

« Elle a vu Serena Williams et Maria Sharapova être bien plus que des tenniswomen, mais il y a un pas entre voir, et savoir le gérer à son tour comme elle le fait », s'enthousiasme l'ancienne joueuse française Tatiana Golovin, aujourd'hui consultante pour BeIN Sports.
L'Américaine est aussi l'une des rares personnalités sportives adoubées par le monde de la mode. Le 5 mai dernier, elle est apparue lors du prestigieux Met Gala, grand raout annuel organisé par Anna Wintour, rédactrice en chef (elle a quitté ses fonctions en juin dernier) de la version US de Vogue. Le même mensuel qui, dès 2018, a consacré la couverture de Teen Vogue à une Coco Gauff tout juste pro et encore ado (15 ans), avant, six ans plus tard, de lui offrir celle du « grand » Vogue. Un privilège rare pour un joueur de tennis. Les heureux élus se comptent sur les doigts d'une main au cours des trente dernières années : Novak Djokovic, Serena Williams et Naomi Osaka.

Cette consécration s'accorde avec la nouvelle dimension marketing de la native de Delray Beach, en Floride. En 2024, Gauff a été la sportive la mieux rémunérée de la planète, avec près de 35 millions de dollars annuels, dont 25 en sponsoring. Le seul contrat avec New Balance, son sponsor historique depuis 2018, lui rapporterait près d'un million de dollars par an. Ont suivi Rolex (depuis 2019) et American Eagle (2022), qui lui a proposé d'incarner une ligne de vêtements autour du denim. Ray Ban est entré dans la danse en 2023.
« L'équilibre qu'elle arrive à maintenir entre ce qui l'intéresse en dehors du court et le principal, le tennis, tout cela à un si jeune âge, c'est hyper rare et cela montre à quel point elle est spéciale »
Tatiana Golovin, ex-numéro 12 mondiale de tennis
Dévoilée juste avant Roland Garros, la collaboration entre la maison italienne Miu Miu et l'Américain New Balance autour de son nom est venue parachever cette montée en puissance. Initiées autour de paires de baskets il y a deux ans (gros carton), les noces se sont enrichies d'une collection tennis que Gauff a contribué à imaginer. Depuis 2024, la joueuse est par ailleurs la seule du circuit à bénéficier d'une paire de baskets signature.
Comme en tennis, la progression est mûrie, constante, presque irrésistible. Et nourrie d'authenticité. Quand on l'interroge sur son goût pour la mode, ce qui arrive souvent, Gauff convoque ce premier souvenir : le dressing chatoyant de sa mère, Candi, institutrice à Atlanta, dans ce sud des États-Unis réputé pour sa flamboyance vestimentaire. Ado, la joueuse se pâmait devant les looks des stars de Disney Channel, Zendaya ou Coco Jones. « J'y allais à fond sur les superpositions un peu folles, je ne serais pas fière de tout aujourd'hui », a-t-elle raconté.
En 2019, à l'âge de quinze ans, avec le cachet de son premier tour de qualification pour Roland Garros, elle s'est offert son premier sac de luxe. Un modèle Louis Vuitton noir, qu'elle porte encore régulièrement. Tiktokeuse de la première heure, à l'aise avec les réseaux sociaux, Coco Gauff a les deux pieds dans son époque, y compris dans ce mélange assumé entre le tennis et la mode. « Chez d'autres joueurs, parler style relève parfois de l'obligation. Chez elle, c'est très spontané », observe Tatiana Golovin.

On le sait, les célébrités décident rarement seules quand il s'agit de fouler le tapis rouge. Depuis ses premiers pas sous les feux des projecteurs, en 2019, Coco Gauff fait, elle, les choses à sa façon. « L'équilibre qu'elle arrive à maintenir entre ce qui l'intéresse en dehors du court et le principal, le tennis, tout cela à un si jeune âge, c'est hyper rare et cela montre à quel point elle est spéciale », poursuit l'ancienne numéro 2 française.
Gauff n'est pas qu'une fan de mode, elle adore aussi en parler, ce qui la distingue, là encore, des autres grands noms du circuit. Dans une interview accordée au site spécialisé Fashionista en mai dernier, l'Américaine définissait ainsi son style : « Ce que je porte sur le terrain est assez éloigné de ce que je porte à la ville. Je montre plus de peau. J'aime porter des couleurs vives, ça rend toujours bien sur les courts, surtout ceux en dur [...] Sur les proportions, on est évidemment limités par les déplacements, donc je m'amuse surtout avec les découpes. »
Comme à l'Open d'Australie 2025, où elle a paradé dans une tenue composée d'un maillot blanc dos nu et d'une jupe. « Je suis une grande fan de Marvel, et de nombreuses super héroïnes ont des découpes dans leurs costumes. J'avais envie que ma tenue s'en inspire », avait-elle alors confié.
De mode, il en a encore été question il y a deux semaines, lors de la conférence de presse d'ouverture du tournoi de Cincinnati : « Je ne sais pas si quelqu'un l'a remarqué, mais j'ai porté une tenue différente pour chaque tournoi cette année ! C'est quelque chose dont je suis très fière », confiait-elle, un brin amusée. Pour elle, l'entrée en scène à l'US Open (24 août-8 septembre) est prévue ce lundi, face à l'Australienne Ajla Tomlanovic. Et on ne manquera rien du spectacle.
L'Équipe