Après l’annonce de licenciements, ArcelorMittal dit vouloir relancer son projet d’acier décarboné à Dunkerque
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Après le choc de l’annonce de près de 600 suppressions d’emplois, le service après-vente pour faire passer la pilule : le géant de la sidérurgie ArcelorMittal a annoncé ce jeudi 15 mai qu’il était finalement disposé à relancer un énorme projet d’investissement en France. Le sidérurgiste a indiqué dans un communiqué son «intention» de reprendre son plan présenté en 2022, suspendu depuis novembre, pour produire de l’acier décarboné à Dunkerque… mais sous réserve que Bruxelles concrétise ses mesures de protection de l’acier européen.
Pour une décision ferme et définitive, il faudra attendre «après l’été», selon le président d’ArcelorMittal France, Alain Le Grix de la Salle. Si les conditions sont réunies, le groupe prévoit d’investir 1,2 milliard d’euros sur son site dunkerquois pour y installer un premier four à arc électrique permettant de couler de l’acier sans les émissions de carbone des hauts fourneaux à coke. Un projet longtemps défendu par les syndicats qui estiment que sans lui, le site de Dunkerque est destiné à fermer.
Selon la radio Ici Nord, les travaux pourraient débuter en fin d’année ou début 2026, pour un démarrage du four électrique fin 2028. Selon ArcelorMittal, ce nouvel outil industriel permettra de réduire de 20 % les émissions de CO2 sur le site de Dunkerque. Le four devrait pouvoir produire deux millions de tonnes d’acier par an.
Du côté de Bercy, on se réjouit de cette annonce affirmant qu’elle «constitue un signal fort de l’engagement d’ArcelorMittal en France et donne les perspectives d’avenir à la sidérurgie française et européenne particulièrement bousculée par la crise actuelle.» «Le travail engagé par le gouvernement français et particulièrement le ministère de l’Industrie et l’Energie aux côtés de ses homologues européens depuis plusieurs mois, permet de restaurer la confiance dans notre capacité européenne à défendre les intérêts de notre industrie, notre souveraineté et nos emplois», se félicite-t-on au ministère de l’Industrie.
Son ministre, Marc Ferracci, souligne «les efforts engagés au niveau européen et le dialogue constant avec ArcelorMittal», ajoutant continuer «le combat pour la défense de cette filière avec nos partenaires européens et le commissaire [Stéphane] Séjourné.»
Le Plan acier, adopté par la Commission européenne en mars, aurait convaincu la multinationale basée au Luxembourg de continuer à miser sur la France, indépendamment des licenciements annoncés. L’annonce de la construction par EDF d’une paire de réacteurs EPR sur la centrale de Gravelines (Hauts-de-France), voisine de Dunkerque, n’est pas non plus étrangère au revirement d’ArcelorMittal qui pourra miser sur une électricité nucléaire abondante à prix négocié pour alimenter son nouveau four électrique intensif. «Malgré la situation de crise, le contexte a changé, et aujourd’hui, nous sommes relativement confiants sur le fait que ces mesures vont être mises en place dans les prochaines semaines», a assuré Bruno Ribo, président d’ArcelorMittal France Nord, auprès de l’antenne locale Radio France.
Le groupe, lourdement touché par la crise du secteur en Europe, avait plusieurs fois demandé l’application «rapide» du plan européen pour l’acier avant de réenvisager d’investir dans la décarbonation en Europe, notamment à Dunkerque. Il estime à présent que Bruxelles va «dans la bonne direction».
Ce plan vise à soutenir la production et protéger le commerce de l’acier en Europe en limitant, par exemple, les importations extracommunautaires ou en les taxant en fonction de leur empreinte carbone. Lors d’un point presse, le président d’ArcelorMittal France a jugé que «ces mesures nous permettront de rétablir une concurrence équitable sur le marché européen de l’acier et donc de jouer à armes égales», estimant qu’elles «devraient être en place prochainement, dans les mois à venir, après l’été».
L’acier européen est pris en étau entre la baisse de la consommation sur le Vieux Continent, la concurrence que certains considèrent déloyale de l’acier à bas prix venu, notamment, de Chine, les prix de l’énergie élevés en Europe et, désormais, les nouvelles taxes douanières décrétées par les Etats-Unis.
ArcelorMittal maintient cependant le plan de suppression de 636 postes dans le Nord. «Ce sont deux sujets qui sont distincts. Les suppressions de postes actuelles sont destinées à rendre la compétitivité des sites de Dunkerque. Et là, on parle et on confirme notre intention [d’investir] pour donner de la visibilité, parce qu’on est beaucoup plus confiant qu’il y a deux ou trois mois», a déclaré Alain Le Grix de la Salle.
Mis à jour : à 18 h 10 avec la réaction du ministère de l’Industrie.
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