L'activisme à l'ère de TikTok et d'Instagram : comment les ONG peuvent se connecter à la génération Z

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Les organisations non gouvernementales (ONG) jouent un rôle essentiel dans la défense des droits humains, du développement durable et de la justice sociale depuis des décennies. Cependant, ces dernières années, leur capacité à attirer et à retenir les jeunes s'est affaiblie. La génération Z (personnes nées entre 1999 et 2010 environ), issue d'un monde globalisé et numérisé, se caractérise par son fort engagement social, mais aussi par une défiance croissante envers les institutions traditionnelles, y compris les ONG elles-mêmes .
Le problème n'est pas un manque d'intérêt pour l'activisme ; au contraire : les jeunes d'aujourd'hui sont plus conscients que jamais des enjeux sociaux et environnementaux ; ce qui a changé, c'est leur façon de s'engager pour le changement. Comparés aux générations précédentes, qui trouvaient dans les ONG un moyen de canaliser leur engagement, les jeunes de la génération Z privilégient des méthodes plus décentralisées, immédiates et autogérées. Ils préfèrent signer des pétitions numériques, lancer des campagnes sur les réseaux sociaux et participer à des manifestations mondiales à impact immédiat, plutôt que de rejoindre des structures à long terme qu'ils perçoivent comme lentes, bureaucratiques et, dans certains cas, opaques.
L'un des facteurs qui a érodé la confiance envers les ONG est la perception que nombre d'entre elles fonctionnent avec des charges administratives excessives, ce qui dilue l'impact réel de leurs projets. La génération Z, habituée à la transparence numérique, ne se contente pas de dons abstraits ou de rapports annuels difficiles d'accès. Elle veut savoir précisément comment son argent est utilisé, quel impact concret il génère et quels changements tangibles son engagement entraîne.
À cela s'ajoute une nouvelle compréhension de la justice sociale et de l'activisme. Il ne suffit pas qu'une ONG défende la diversité, l'égalité des sexes ou le développement durable ; la génération Z s'attend à ce que ces valeurs se reflètent en interne dans la structure organisationnelle, les politiques salariales et la culture d'entreprise elle-même. L'hypocrisie des entreprises est rapidement détectée sur les réseaux sociaux et peut avoir des conséquences dévastatrices sur la réputation de toute organisation, y compris les ONG.
Pour regagner la confiance de la génération Z, les ONG doivent se remettre en question et, dans certains cas, se réinventer. Une transparence radicale peut être une première étape, en utilisant les plateformes numériques pour montrer de manière visuelle et convaincante la destination de chaque euro donné et les résultats de leurs projets. Plutôt que des rapports détaillés, cette génération est davantage attirée par de véritables témoignages (meilleurs que ceux de ses pairs), des vidéos interactives et des graphiques intuitifs qui lui permettent de comprendre rapidement et directement l'impact de ses actions.
Outre la transparence, le modèle de participation doit évoluer. Les jeunes ne veulent pas se limiter à donner de l'argent ou à recevoir des newsletters ; ils recherchent des expériences qui leur permettent de s'engager activement. Les ONG doivent relever le défi de développer de nouvelles formes de volontariat, plus flexibles, locales et numériques, adaptées aux modes de vie modernes. Des projets permettant aux participants de s'impliquer même à distance, depuis leurs appareils, feraient toute la différence.
La communication joue également un rôle clé dans cette transformation. Le langage institutionnel et technique, bien que nécessaire dans certains domaines, ne correspond plus aux jeunes et à leurs modes de consommation d'information. Un ton authentique, plus proche et plus humain, peut être adopté. Il ne s'agit pas seulement d'être présent sur TikTok, X, Instagram ou YouTube, mais de savoir utiliser ces espaces pour raconter des histoires inspirantes et mobilisatrices. Le contenu doit être visuellement percutant, facile à partager et, surtout, cohérent avec les valeurs que l'organisation prétend défendre.
Un autre élément clé consiste à nouer des alliances avec des personnalités clés de la génération Z. Les influenceurs ne sont plus seulement des créateurs de contenu ; nombre d'entre eux sont devenus des leaders d'opinion sur les questions sociales et environnementales . Collaborer avec des activistes numériques peut s'avérer une stratégie efficace pour amplifier les messages des ONG et atteindre des publics autrement difficiles à atteindre.
Mais il ne s'agit pas seulement de communication et d'engagement. Si les ONG veulent attirer les jeunes, elles doivent également offrir de réelles opportunités de développement professionnel. La génération Z s'intéresse vivement au secteur social, mais perçoit le tiers secteur comme un secteur aux bas salaires et aux perspectives d'évolution limitées. Pour changer cette perception, il est essentiel de créer des programmes de stages rémunérés, des bourses, des mentorats et des parcours professionnels clairs au sein des organisations.
Les ONG sont à un tournant. Si elles ne parviennent pas à adapter leur structure, leur communication et leur modèle participatif aux nouvelles générations, elles risquent de devenir obsolètes. La génération Z veut changer le monde, mais à sa manière, avec immédiateté, transparence, cohérence et leadership. Faire appel à la solidarité comme un devoir moral ne suffit plus ; l'activisme est désormais perçu comme une expérience de développement personnel, aux effets immédiats et compatible avec la vie moderne. Car, dans le nouveau paradigme de la génération Z, le temps n'est pas de l'argent, mais de l'argent.
EL PAÍS