La France estime qu’il est urgent de combler le déficit financier avec l’Allemagne et d’autres partenaires.

La France se sent aujourd'hui comme l'homme malade de l'Europe. Cette perception n'est pas qu'imagée, compte tenu de sa situation financière fragile. Lors de la présentation de son plan d'austérité drastique mardi dernier, le Premier ministre François Bayrou a cité à plusieurs reprises l'Allemagne, toujours la grande référence, pour déplorer que les Français consomment plus d'antibiotiques que leurs voisins et qu'il y ait quatre fois plus de personnes classées en maladies de longue durée que de l'autre côté du Rhin. « Les Français sont-ils en moins bonne santé que les Allemands ? Je ne le pense pas », a ironisé le chef du gouvernement.
La comparaison avec l'Allemagne est une constante dans les analyses françaises car elle met en évidence de manière frappante la dérive parisienne. Il y a vingt ans, la dette était quasiment identique, autour de 67 % du PIB. Celle de la France a grimpé à 114 %, et celle de l'Allemagne est toujours à 62,5 %. D'autres paramètres soulignent l'écart, comme la balance commerciale (excédentaire pour l'Allemagne et déficitaire pour la France) ou le nombre d'heures travaillées. Selon les études disponibles, les Allemands travaillent en moyenne 150 heures de plus par an (300 de plus pour les Américains). Les Français envient également le formidable système de formation professionnelle allemand et son efficace mode d'insertion en entreprise.
La philosophie de l’État sauveur a été appliquée avec une aide massive pendant la Covid, qui a fait grimper en flèche la dette.Dans sa présentation de la pilule amère, Bayrou n'a pas seulement fait allusion à l'Allemagne. Il a évoqué la tragédie de la crise grecque, comme un avertissement aux marins, et les mesures drastiques que l'Italie, l'Espagne, l'Irlande et le Portugal ont dû prendre à l'époque. Alors que tous ces pays ont corrigé leur trajectoire, au prix de sacrifices, et affichent des progrès positifs, la France a dangereusement aggravé ses déséquilibres, devenant le mauvais élève de l'UE. La joie de vivre , la joie de vivre à la française, pays de vacances généreuses et de grèves abondantes, commence à se faire sentir.
« Il faut travailler davantage », a souligné le Premier ministre. « C'est toute la nation qui doit travailler davantage. » Mais l'idée de supprimer deux jours fériés a été très mal accueillie, selon les sondages, et a mis les syndicats sur un pied d'égalité. Malgré cela, les responsables gouvernementaux continuent de faire pression. C'est maintenant ou jamais. La porte-parole du gouvernement, Sophie Primas, une gaulliste de droite, a exprimé son soutien à la suppression des 35 heures, l'une des avancées historiques de la gauche française. Il est même question d'autoriser la cinquième semaine légale de congés payés – avec une majoration – sur la base du volontariat. Un autre tabou a été brisé.
Certains analystes estiment que la dérive française a commencé avec l'arrivée au pouvoir de Mitterrand en 1981.La CFDT, la plus modérée des organisations syndicales, a qualifié le plan de Bayrou de « musée des horreurs ». Il prévoit le gel des retraites et des salaires des fonctionnaires jusqu'en 2026, ainsi qu'une nouvelle taxe pour les « plus fortunés », une augmentation du ticket modérateur pour les médicaments et une hausse déguisée de la pression fiscale pour tous les contribuables, les barèmes et les tranches d'imposition des revenus ne devant pas être actualisés en fonction de l'inflation.
Comment la France en est-elle arrivée là ? Un consensus grandissant, sauf à gauche, affirme que les mêmes réformes en profondeur que d'autres pays n'ont pas été menées, et que le travail accompli est insuffisant. La pandémie de COVID a aggravé la situation, car une politique du « quoi qu'il en coûte » a été adoptée pour aider les secteurs touchés. Il en a été de même après l'invasion russe de l'Ukraine. L'idée même, à la française, d'État sauveur a été poussée jusqu'à ses ultimes conséquences. Il ne faut pas oublier que des élections présidentielles et législatives étaient prévues au printemps 2022.
Les analystes alertent depuis des années sur les risques qui pèsent sur la France. On les accuse d'être excessivement pessimistes, d'être les apôtres du déclin . Mais les faits leur donnent désormais raison, et le gouvernement reprend nombre de leurs arguments. Parmi eux, Nicolas Baverez, éditorialiste à l'hebdomadaire Le Point , historien et économiste. En 2003, il publie La France qui tombe. En 2012, il publie Réveillez-vous ! . L' automne dernier, il publie Sursaut , son avertissement définitif et prophétique.
Baverez craint que si la France rate son dernier train, elle ne tombe sous la tutelle de la BCE et du FMI, car la complaisance des marchés prendra fin. Selon l'auteur, les problèmes du pays ont commencé avec l'arrivée au pouvoir du socialiste François Mitterrand en 1981, qui a imposé une culture de l'endettement pour maintenir le niveau de vie atteint par les Français après les « Trente Glorieuses » (de 1945 à 1973 environ). Si la prospérité reposait auparavant sur le travail et la production, elle reposerait désormais sur la consommation et l'endettement public. Baverez critique le fait que toutes les revendications syndicales aient été satisfaites, même les plus insensées, de la semaine de 35 heures à la retraite à 60 ans, malgré les dommages causés à l'économie, et que la France n'ait jamais mis en œuvre les réformes douloureuses que d'autres ont eu le courage d'entreprendre, comme Thatcher au Royaume-Uni, Schröder en Allemagne ou Monti en Italie. Autrefois, une solution aurait été de dévaluer la monnaie nationale, mais cette option a disparu avec l'euro.
L'association patronale salue le courage du gouvernementLe Mouvement patronal français (Medef), la plus grande organisation patronale, a immédiatement salué les mesures annoncées par Bayrou, les qualifiant de « lucides, courageuses et équilibrées ». Les chefs d'entreprise craignaient que le plan d'ajustement ne les alourdisse, ce qui n'a pas été le cas. Le Premier ministre a affirmé que l'objectif était de préserver à tout prix le tissu productif. Le président du Medef, Patrick Martin, s'est dit satisfait de l'idée de supprimer deux jours fériés, car cela symbolise la diffusion du message d'une plus grande implication dans la vie active. Les chefs d'entreprise ont également salué la déclaration de Bayrou selon laquelle il est « inacceptable » d'avoir autant de postes vacants dans de nombreux secteurs alors que le chômage atteint encore 7 %. « Nous avons besoin de jeunes salariés motivés », a souligné le Premier ministre.
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