COP 30 | Des milliards resteront les mains vides lors de l'ajustement
Le typhon Kalmaegi a semé la désolation dans plusieurs régions des Philippines. Selon la Protection civile, jeudi, plus de 140 personnes ont péri et de nombreuses autres sont toujours portées disparues. Plus de 500 000 habitants attendent toujours de pouvoir rentrer chez eux. Sur l’île de Cebu, des villes et des villages entiers ont été inondés. Les flots de boue ont emporté voitures, camions et même d’énormes conteneurs. La gouverneure Pamela Baricuatro a déclaré lors d’une interview radio que ce chaos était « sans précédent ».
L'augmentation de la fréquence, de l'intensification et de la durée des passages à terre des cyclones tropicaux sont des conséquences du changement climatique. L'ampleur des inondations dépendra du degré de réchauffement. Le problème est exacerbé, de toute façon, par la montée du niveau de la mer. Se préparer à de telles situations est un exemple classique d'adaptation au climat. Une meilleure protection côtière, comme la construction de digues climatiques ou la création de polders, peut s'avérer utile. En cas d'impact majeur, des villes côtières entières devraient être relogées à l'intérieur des terres. Les populations des atolls, qui émergent à peine de l'océan, se préparent déjà à s'installer sur le continent. Tout cela représente un coût considérable, souvent insuffisant pour les pays du Sud, particulièrement touchés par le réchauffement climatique. Cependant, comme leur contribution au changement climatique est également faible, les pays les plus riches ont la responsabilité de compenser financièrement cette inégalité. Cela implique non seulement la protection contre les inondations, mais aussi, entre autres, le reboisement, la conservation des sols et la sécurisation des ressources en eau.
L'Indice de financement de l'adaptation au changement climatique (CAFI), récemment publié par l'organisation humanitaire Pain pour le Monde, dresse un état des lieux du financement de l'adaptation au changement climatique. Il indique si les fonds sont répartis équitablement en fonction du risque climatique et de la taille de la population des pays bénéficiaires. Selon cet indice, seulement 0,1 % de la population des 129 pays étudiés reçoit une part du financement ajustée au risque. 96 % des personnes touchées sont gravement, voire extrêmement, sous-financées – ce qui, en chiffres absolus, concerne environ six milliards de personnes, selon l'étude. Parmi les pays les plus gravement sous-financés figurent l'Afghanistan, le Tchad, le Soudan du Sud, la Somalie, le Niger, le Mali et le Yémen. Parmi les trois groupes de pays particulièrement touchés – les pays les moins avancés, les États africains et les petits États insulaires en développement – seuls ces derniers reçoivent un financement modéré au regard de leurs risques climatiques, d'après ce nouvel indice.
Les pays du Sud réclament un triplement des flux financiers destinés à l'adaptation au changement climatique d'ici à 2030.
« Il est alarmant de constater que les pays les plus exposés aux risques climatiques sont ceux qui ont le moins accès aux financements pour l’adaptation – en réalité, ces pays sont quasiment ignorés », déplore Sabine Minninger de Bread for the World. Cette experte du climat critique ce manque d’équité dans la répartition des fonds. Ce constat s’applique aussi bien aux fonds provenant d’Allemagne qu’à ceux d’autres pays donateurs. Et suite au retrait quasi total des États-Unis du financement climatique, le déficit de financement ne fait que s’aggraver.
En 2022 – dernière année pour laquelle des données sont disponibles – les États-Unis ont contribué à hauteur de 6,4 %, soit 4,2 milliards de dollars, au financement de l’adaptation. Sur ce montant, les 129 pays inclus dans l’indice ont reçu environ 2,8 milliards de dollars. D’autres fonds provenaient des banques multilatérales de développement, de l’Allemagne, de l’UE, de la France et du Japon. L’organisation Pain pour le Monde a également examiné si les pays industrialisés respectaient leur engagement pris lors du Sommet de Glasgow sur le climat de 2021 de doubler leur aide à l’adaptation au changement climatique dans les pays en développement entre 2019 et 2025. Selon une base de données de l’OCDE, si le financement total de l’adaptation provenant des pays industrialisés a augmenté en valeur absolue entre 2019 et 2022, sa part dans le financement total du climat a diminué, passant de 34 % à 29 %, un chiffre bien loin de l’équilibre convenu entre action climatique et adaptation.
Ce développement est souvent motivé par des intérêts économiques. Les projets de protection du climat sont fréquemment liés à l'exportation des technologies correspondantes. La répartition des fonds ne repose pas sur les risques climatiques, mais plutôt sur d'autres indicateurs, soupçonne Sabine Minninger. Elle appelle à ce que le financement climatique se concentre sur les intérêts des pays vulnérables, ceux qui sont les plus durement touchés. La prochaine Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP30) à Belém, au Brésil, sera cruciale à cet égard. Pour Minninger, la COP30 est de facto un « sommet sur l'adaptation au climat » où, à y regarder de plus près, une seule décision « difficile » devra être prise : celle concernant l'objectif mondial d'adaptation. Les pays du Sud exigent un triplement des flux financiers pour ce domaine d'ici 2030. Pour y parvenir, le sommet devrait s'accorder sur une liste d'indicateurs qui, en clair, devraient garantir une utilisation plus ciblée des fonds d'adaptation, par exemple avec des objectifs spécifiques dans des domaines tels que la santé ou l'agriculture.
L’organisation Pain pour le Monde souligne également que les 20 pays les plus touchés devront consacrer environ 750 milliards de dollars américains au seul service de la dette d’ici 2031. Pour 16 d’entre eux, cela représentait plus de 20 % de leurs recettes fiscales en 2024. L’organisation humanitaire appelle donc à un renforcement des financements d’ajustement, et à leur octroi sous forme de dons plutôt que de prêts, afin de prévenir une nouvelle augmentation de la dette. Par ailleurs, de nouvelles sources de financement sont nécessaires, respectant le principe du pollueur-payeur : taxes sur les entreprises du secteur des énergies fossiles et sur les plus riches, ainsi qu’une contribution de solidarité mondiale, par exemple sur les vols et les jets privés.
Le typhon Kalmaegi a touché terre au Vietnam lundi soir, un pays déjà durement frappé par des pluies et des inondations record qui ont fait 47 victimes. Parallèlement, les Philippines se préparent à l'arrivée d'une nouvelle tempête tropicale : Fung-wong devrait frapper la côte lundi, en tant que super typhon.
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