COMMENTAIRE - La politique d'investissement de la BNS ne doit pas devenir le jouet des militants pour le climat


La Banque nationale suisse (BNS) ajuste son portefeuille. Elle n’investit plus dans les actions de la compagnie pétrolière Chevron. Au premier trimestre , la BNS a vendu toutes les actions de la société américaine. À la fin de l'année dernière, les actions Chevron étaient évaluées à 712 millions de dollars, selon les données de la Securities and Exchange Commission (SEC) américaine. La BNS a-t-elle cédé aux critiques des organisations environnementales qui réclament depuis des années une politique d’investissement « verte » de la part de la Banque nationale ? Non, ce serait une erreur.
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La BNS ne commente pas les investissements individuels. Toutefois, sur demande, la société a déclaré que la politique d’investissement n’avait pas été ajustée. L’approche restera aussi neutre que possible vis-à-vis du marché en reflétant les marchés boursiers dans leur ensemble et en diversifiant les investissements aussi largement que possible.
Ce principe est correct. Une banque centrale ne peut pas se livrer à une sélection d’actions. Elle doit s’abstenir de promouvoir spécifiquement certains secteurs et d’en restreindre d’autres. Il s’agirait d’une politique structurelle – et ce n’est pas la tâche d’une banque centrale.
La vente de toutes les actions Chevron ne signifie pas que la BNS ne détient plus d’actions dans les sociétés pétrolières. Par exemple, la Banque nationale continue de détenir des actions d’Exxon Mobil. Dans le cas de Chevron, les prestataires de services externes qui contrôlent le respect des critères d'investissement pour le compte de la BNS ont apparemment conclu que les directives de la BNS n'étaient plus respectées. La règle est que vous ne devez pas détenir d’actions dans des entreprises qui violent les droits humains fondamentaux, produisent des armes interdites au niveau international ou causent systématiquement de graves dommages environnementaux.
L'effet de signal lié à la vente des actions Chevron ne facilite pas la tâche de la BNS. De nombreuses organisations environnementales et non gouvernementales seront encouragées dans leur combat et augmenteront la pression sur la BNS. Depuis des années, les assemblées générales de la BNS sont un rendez-vous pour les militants du climat qui tentent de dominer l'événement avec des discours et des motions enflammés. L'Alliance pour le climat a déjà demandé que de nouvelles mesures soient prises et que des entreprises telles qu'Exxon Mobil et Total Energies soient bannies du bilan de la BNS.
Alessandro Della Valle / Clé de voûte
Chaque concession éveille de nouveaux désirs. Même si la BNS répondait à toutes les préoccupations des militants pour le climat, il ne faudrait pas longtemps avant que les ONG ou les politiciens ne formulent d’autres exigences à l’égard de la BNS : pas d’investissements dans des entreprises impliquées dans la technologie nucléaire ou génétique, et certainement pas dans des sociétés avec des bonus très élevés, ni dans des entreprises avec trop peu de femmes à leur direction. Il n’y a pas de limites à votre imagination.
Mais la politique d’investissement de la BNS ne doit pas devenir le jouet des activistes, des groupes d’intérêts ou des politiciens. Lorsque les ONG ou les politiciens décident de la manière dont une banque centrale investit ses actifs, ils remettent également en question indirectement la politique monétaire. Les investissements de la BNS ne visent pas en premier lieu à générer des rendements élevés ou à ralentir le changement climatique. Ils servent plutôt la politique monétaire. La BNS doit donc pouvoir réaffecter à tout moment de grandes quantités d’actifs sans fausser les cours des actions. Cela n’est possible qu’avec une approche neutre.
Il n’y a aucun doute : la politique climatique est importante. Toutefois, cette responsabilité incombe aux gouvernements et non aux banques centrales. Lorsque les autorités monétaires tentent de devenir des politiciens du climat, elles manquent de légitimité et des outils pour le faire. Ils mettent également en péril leur indépendance, car celle-ci exige de la retenue politique et une concentration sur un mandat restreint. La BNS doit donc faire preuve de prudence lorsqu’elle exclut des entreprises individuelles comme Chevron. En cas de doute, il vaut mieux avoir une entreprise de trop que pas assez dans le portefeuille.
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